Poésies Diverses. Par Louise-Victorine Ackermann. (1813-1890) TABLE DES MATIERES Alfred de Musset. Adieux à la poésie. À la comète de 1861. Contes. Deux vers d'Alcée. Endymion. Hébé. In memoriam (I). In memoriam (II). In memoriam (III). L'abeille. La coupe du roi de Thulé. La lampe d'Héro. La lyre d'Orphée. La rose. Le fantôme. Les malheureux. L'hyménée et l'amour. Un autre coeur. Savitri. Sakoutala. A Alfred De Musset. Un poète est parti; sur sa tombe fermée Pas un chant, pas un mot dans cette langue aimée Dont la douceur divine ici-bas l'enivrait. Seul, un pauvre arbre triste à la pâle verdure, Le saule qu'il rêvait, au vent du soir, murmure Sur son ombre éplorée un tendre et long regret. Ce n'est pas de l'oubli; nous répétons encore, Poète de l'amour, ces chants que fit éclore Dans ton âme éperdue un éternel tourment, Et le Temps sans pitié qui brise de son aile Bien des lauriers, le Temps d'une grâce nouvelle Couronne en s'éloignant ton souvenir charmant. Tu fus l'enfant choyé du siècle. Tes caprices Nous trouvaient indulgents. Nous étions les complices De tes jeunes écarts; tu pouvais tout oser. De la Muse pour toi nous savions les tendresses, Et nos regards charmés ont compté ses caresses, De son premier sourire à son dernier baiser. Parmi nous maint poète à la bouche inspirée Avait déjà rouvert une source sacrée; Oui, d'autres nous avaient de leurs chants abreuvés. Mais le cri qui saisit le coeur et le remue, Mais ces accents profonds qui d'une lèvre émue Vont à l'âme de tous, toi seul les as trouvés. Au concert de nos pleurs ta voix s'était mêlée. Entre nous, fils souffrants d'une époque troublée, Le doute et la douleur formaient comme un lien. Ta lyre en nous touchant nous était douce et chère; Dans le chantre divin nous sentions tous un frère; C'est le sang de nos coeurs qui courait dans le tien. Rien n'arrêtait ta plainte, et ton âme blessée La laissait échapper navrante et cadencée. Tandis que vers le ciel qui se voile et se clôt De la foule montait une rumeur confuse, Fier et beau, tu jetais, jeune amant de la Muse, À travers tous ces bruits ton immortel sanglot. Lorsque le rossignol, dans la saison brûlante De l'amour et des fleurs, sur la branche tremblante Se pose pour chanter son mal cher et secret, Rien n'arrête l'essor de sa plainte infinie, Et de son gosier frêle un long jet d'harmonie S'élance et se répand au sein de la forêt. La voix mélodieuse enchante au loin l'espace... Mais soudain tout se tait; le voyageur qui passe Sous la feuille des bois sent un frisson courir. De l'oiseau qu'entraînait une ivresse imprudente L'âme s'est envolée avec la note ardente; Hélas! chanter ainsi c'était vouloir mourir! Adieux A La Poésie. Mes pleurs sont à moi, nul au monde Ne les a comptés ni reçus; Pas un oeil étranger qui sonde Les désespoirs que j'ai conçus. L'être qui souffre est un mystère Parmi ses frères ici-bas; Il faut qu'il aille solitaire S'asseoir aux portes du trépas. J'irai seule et brisant ma lyre, Souffrant mes maux sans les chanter; Car je sentirais à les dire Plus de douleur qu'à les porter. Paris, 1835. À La Comète De 1861. Bel astre voyageur, hôte qui nous arrives Des profondeurs du ciel et qu'on n'attendait pas, Où vas-tu? Quel dessein pousse vers nous tes pas? Toi qui vogues au large en cette mer sans rives, Sur ta route, aussi loin que ton regard atteint, N'as-tu vu comme ici que douleurs et misères? Dans ces mondes épars, dis, avons-nous des frères? T'ont-ils chargé pour nous de leur salut lointain? Ah! quand tu reviendras, peut-être de la terre L'homme aura disparu. Du fond de ce séjour Si son oeil ne doit pas contempler ton retour, Si ce globe épuisé s'est éteint solitaire, Dans l'espace infini poursuivant ton chemin, Du moins jette au passage, astre errant et rapide, Un regard de pitié sur le théâtre vide De tant de maux soufferts et du labeur humain! Contes. Ah! si la Muse était tant soit peu fée, Chanter, vraiment, serait emploi des dieux; Point ne pourrait le plus petit Orphée La bouche ouvrir, qu'on ne vît de tous lieux Courir les gens. Oui, nous ferions merveille, Et sous nos pas la foule toute oreille Ramasserait les miettes de nos vers. Il n'en va point ainsi. Pour ceux qu'attire La Muse au fond de ses bosquets déserts, Les temps sont durs; de l'aveu de la lyre, Ce charme a fui qui lui livrait les coeurs. Dans mes loisirs j'ai donc à la légère Rimé ceci, ne comptant point ou guère Que mes accords offriront des douceurs Vous agréant. Pas moins ne m'en enchante Un art divin; car si les vers pour vous N'ont plus d'attraits, pour celui qui les chante Il leur en reste encore, et des plus doux. De frais atours et fleurs de poésie Ces miens récits parer à ma façon, Dans ses sentiers suivre la fantaisie, Chemin faisant répéter sa chanson, Amours décents prendre pour camarades, Les égayer à mes propos divers, Trouver parfois, au beau détour d'un vers, Un joli mot qui me fait des oeillades, N'est-ce plaisir? Quand pousse ses roulades Le rossignol au sein des bois aimés, Demande-t-il si ses voisins charmés L'écouteront en ces vertes demeures? Ainsi que lui, pour moi seul, à mes heures, Je vais chantant, mais très-bas toutefois. Plus haut qu'un conte il n'est sûr à ma voix De se lancer; aussi bien se tient-elle À ces récits. Même il se peut parfois Qu'en mon chant simple une note rappelle Quelque vieux maître; et plût à Dieu, vraiment, Que cela fût, car cela serait charme. Depuis longtemps il n'est rire ni larme Qui soient nouveaux sous notre firmament. Redite, hélas! et regazouillement, C'est tout notre oeuvre, et qui rime s'expose À faire ouïr des sons déjà connus; Heureux encor, parmi les tard venus, Ceux dont le chant ressemble à quelque chose. Deux Vers D'Alcée. Quel était ton désir et ta crainte secrète? Quoi! le voeu de ton coeur, ta Muse trop discrète Rougit-elle de l'exprimer? Alcée, on reconnaît l'amour à ce langage. Sapho feint vainement que ton discours l'outrage, Sapho sait que tu vas l'aimer. Tu l'entendais chanter, tu la voyais sourire, La fille de Lesbos, Sapho qui sur sa lyre Répandit sa grâce et ses feux. Sa voix te trouble, Alcée, et son regard t'enflamme Tandis que ses accents pénétraient dans ton âme, Sa beauté ravissait tes yeux. Que devint ton amour? L'heure qui le vit naître L'a-t-elle vu mourir? Vénus ailleurs peut-être Emporta tes voeux fugitifs. Mais le parfum du coeur jamais ne s'évapore; Même après deux mille ans je le respire encore Dans deux vers émus et craintifs. Endymion. Endymion s'endort sur le mont solitaire, Lui que Phoebé la nuit visite avec mystère, Qu'elle adore en secret, un enfant, un pasteur. Il est timide et fier, il est discret comme elle; Un charme grave au choix d'une amante immortelle A désigné son front rêveur. C'est lui qu'elle cherchait sur la vaste bruyère Quand, sortant du nuage où tremblait sa lumière, Elle jetait au loin un regard calme et pur, Quand elle abandonnait jusqu'à son dernier voile, Tandis qu'à ses côtés une pensive étoile Scintillait dans l'éther obscur. Ô Phoebé! le vallon, les bois et la colline Dorment enveloppés dans ta pâleur divine; À peine au pied des monts flotte un léger brouillard. Si l'air a des soupirs, ils ne sont point sensibles; Le lac dans le lointain berce ses eaux paisibles Qui s'argentent sous ton regard. Non, ton amour n'a pas cette ardeur qui consume. Si quelquefois, le soir, quand ton flambeau s'allume, Ton amant te contemple avant de s'endormir, Nul éclat qui l'aveugle, aucun feu qui l'embrase; Rien ne trouble sa paix ni son heureuse extase; Tu l'éclaires sans l'éblouir. Tu n'as pour le baiser que ton rayon timide, Qui vers lui mollement glisse dans l'air humide, Et sur sa lèvre pâle expire sans témoin. Jamais le beau pasteur, objet de ta tendresse, Ne te rendra, Phoebé, ta furtive caresse, Qu'il reçoit, mais qu'il ne sent point. Il va dormir ainsi sous la voûte étoilée Jusqu'à l'heure où la nuit, frissonnante et voilée, Disparaîtra des cieux t'entraînant sur ses pas. Peut-être en s'éveillant te verra-t-il encore Qui, t'effaçant devant les rougeurs de l'aurore, Dans ta fuite lui souriras. Hébé. Les yeux baissés, rougissante et candide, Vers leur banquet quand Hébé s'avançait, Les Dieux charmés tendaient leur coupe vide, Et de nectar l'enfant la remplissait. Nous tous aussi, quand passe la Jeunesse, Nous lui tendons notre coupe à l'envi. Quel est le vin qu'y verse la déesse? Nous l'ignorons; il enivre et ravit. Ayant souri dans sa grâce immortelle, Hébé s'éloigne; on la rappelle en vain. Longtemps encor sur la route éternelle, Notre oeil en pleurs suit l'échanson divin. In Memoriam (I). J'aime à changer de cieux, de climat, de lumière. Oiseau d'une saison, je fuis avec l'été, Et mon vol inconstant va du rivage austère Au rivage enchanté. Mais qu'à jamais le vent bien loin du bord m'emporte Où j'ai dans d'autres temps suivi des pas chéris, Et qu'aujourd'hui déjà ma félicité morte Jonche de ses débris! Combien ce lieu m'a plu! non pas que j'eusse encore Vu le ciel y briller sous un soleil pâli; L'amour qui dans mon âme enfin venait d'éclore L'avait seul embelli. Hélas! avec l'amour ont disparu ses charmes; Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux, Je verrais se lever comme un fantôme en larmes L'ombre des jours heureux. Oui, pour moi tout est plein sur cette froide plage De la présence chère et du regard aimé, Plein de la voix connue et de la douce image Dont j'eus le coeur charmé. Comment pourrais-je encor, désolée et pieuse, Par les mêmes sentiers traîner ce coeur meurtri, Seule où nous étions deux, triste où j'étais joyeuse, Pleurante où j'ai souri? Painswick, Glocestershire, août 1850. In Memoriam (II). Ciel pur dont la douceur et l'éclat sont les charmes, Monts blanchis, golfe calme aux contours gracieux, Votre splendeur m'attriste, et souvent à mes yeux Votre divin sourire a fait monter les larmes. Du compagnon chéri que m'a pris le tombeau Le souvenir lointain me suit sur ce rivage. Souvent je me reproche, ô soleil sans nuage! Lorsqu'il ne te voit plus, de t'y trouver si beau. Nice, mai 1851. In Memoriam (III). Au pied des monts voici ma colline abritée, Mes figuiers, ma maison, Le vallon toujours vert et la mer argentée Qui m'ouvre l'horizon. Pour la première fois sur cette heureuse plage, Le coeur tout éperdu, Quand j'abordai, c'était après un grand naufrage, Où j'avais tout perdu. Déjà, depuis ce temps de deuil et de détresse, J'ai vu bien des saisons Courir sur ces coteaux que la brise caresse, Et parer leurs buissons. Si rien n'a refleuri, ni le présent sans charmes, Ni l'avenir brisé, Du moins mon pauvre coeur, fatigué de mes larmes, Mon coeur s'est apaisé; Et je puis, sous ce ciel que l'oranger parfume Et qui sourit toujours, Rêver aux temps aimés, et voir sans amertume Naître et mourir les jours. Nice, 19 mai 1852. L'Abeille. Quand l'abeille, au printemps, confiante et charmée, Sort de la ruche et prend son vol au sein des airs, Tout l'invite et lui rit sur sa route embaumée. L'églantier berce au vent ses boutons entr'ouverts; La clochette des prés incline avec tendresse Sous le regard du jour son front pâle et léger. L'abeille cède émue au désir qui la presse; Elle aperçoit un lis et descend s'y plonger. Une fleur est pour elle une mer de délices. Dans son enchantement, du fond de cent calices Elle sort trébuchant sous une poudre d'or. Son fardeau l'alourdit, mais elle vole encor. Une rose est là-bas qui s'ouvre et la convie; Sur ce sein parfumé tandis qu'elle s'oublie, Le soleil s'est voilé. Poussé par l'aquilon, Un orage prochain menace le vallon. Le tonnerre a grondé. Mais dans sa quête ardente L'abeille n'entend rien, ne voit rien, l'imprudente! Sur les buissons en fleur l'eau fond de toute part; Pour regagner la ruche il est déjà trop tard. La rose si fragile, et que l'ouragan brise, Referme pour toujours son calice odorant; La rose est une tombe, et l'abeille surprise Dans un dernier parfum s'enivre en expirant. Qui dira les destins dont sa mort est l'image? Ah! combien parmi nous d'artistes inconnus, Partis dans leur espoir par un jour sans nuage, Des champs qu'ils parcouraient ne sont pas revenus! Une ivresse sacrée aveuglait leur courage; Au gré de leurs désirs, sans craindre les autans, Ils butinaient au loin sur la foi du printemps. Quel retour glorieux l'avenir leur apprête! À ces mille trésors épars sur leur chemin L'amour divin de l'art les guide et les arrête: Tout est fleur aujourd'hui, tout sera miel demain. Ils revenaient déjà vers la ruche immortelle; Un vent du ciel soufflait, prêt à les soulever. Au milieu des parfums la Mort brise leur aile; Chargés comme l'abeille, ils périssent comme elle Sur le butin doré qu'ils n'ont pas pu sauver. La Coupe Du Roi De Thulé. Au vieux roi de Thulé sa maîtresse Adèle Avait fait en mourant don d'une coupe d'or, Unique souvenir qu'elle lui laissait d'elle, Cher et dernier trésor. Dans ce vase, présent d'une main adorée, Le pauvre amant dès lors but à chaque festin. La liqueur en passant par la coupe sacrée Prenait un goût divin. Et quand il y portait une lèvre attendrie, Débordant de son coeur et voilant son regard, Une larme humectait la paupière flétrie Du noble et doux vieillard. Il donna tous ses biens, sentant sa fin prochaine, Hormis toi, gage aimé de ses amours éteints; Mais il n'attendit point que la Mort inhumaine T'arrachât de ses mains. Comme pour emporter une dernière ivresse, Il te vida d'un trait, étouffant ses sanglots, Puis, de son bras tremblant surmontant la faiblesse, Te lança dans les flots. D'un regard déjà trouble il te vit sous les ondes T'enfoncer lentement pour ne plus remonter: C'était tout le passé que dans les eaux profondes Il venait de jeter. Et son coeur, abîmé dans ses regrets suprêmes, Subit sans la sentir l'atteinte du trépas. En sa douleur ses yeux qui s'étaient clos d'eux-mêmes Ne se rouvrirent pas. Coupe des souvenirs, qu'une liqueur brûlante Sous notre lèvre avide emplissait jusqu'au bord, Qu'en nos derniers banquets d'une main défaillante Nous soulevons encor, Vase qui conservais la saveur immortelle De tout ce qui nous fit rêver, souffrir, aimer, L'oeil qui t'a vu plonger sous la vague éternelle N'a plus qu'à se fermer. La Lampe D'Héro. De son bonheur furtif lorsque malgré l'orage L'amant d'Héro courait s'enivrer loin du jour, Et dans la nuit tentait de gagner à la nage Le bord où l'attendait l'Amour, Une lampe envoyait, vigilante et fidèle, En ce péril vers lui son rayon vacillant; On eût dit dans les cieux quelque étoile immortelle Oui dévoilait son front tremblant. La mer a beau mugir et heurter ses rivages, Les vents au sein des airs déchaîner leur effort, Les oiseaux effrayés pousser des cris sauvages En voyant approcher la Mort, Tant que du haut sommet de la tour solitaire Brille le signe aimé sur l'abîme en fureur, Il ne sentira point, le nageur téméraire, Défaillir son bras ni son coeur. Comme à l'heure sinistre où la mer en sa rage Menaçait d'engloutir cet enfant d'Abydos, Autour de nous dans l'ombre un éternel orage Fait gronder et bondir les flots. Remplissant l'air au loin de ses clameurs funèbres, Chaque vague en passant nous entr'ouvre un tombeau; Dans les mêmes dangers et les mêmes ténèbres Nous avons le même flambeau. Le pâle et doux rayon tremble encor dans la brume. Le vent l'assaille en vain, vainement les flots sourds La dérobent parfois sous un voile d'écume, La clarté reparaît toujours. Et nous, les yeux levés vers la lueur lointaine, Nous fendons pleins d'espoir les vagues en courroux; Au bord du gouffre ouvert la lumière incertaine Semble d'en haut veiller sur nous. Ô phare de l'Amour! qui dans la nuit profonde Nous guides à travers les écueils d'ici-bas, Toi que nous voyons luire entre le ciel et l'onde, Lampe d'Héro, ne t'éteins pas! La Lyre D'Orphée. Quand Orphée autrefois, frappé par les Bacchantes, Près de l'Hèbre tomba, sur les vagues sanglantes On vit longtemps encor sa lyre surnager. Le fleuve au loin chantait sous le fardeau léger. Le gai zéphyr s'émut; ses ailes amoureuses Baisaient les cordes d'or, et les vagues heureuses Comme pour l'arrêter, d'un effort doux et vain S'empressaient à l'entour de l'instrument divin. Les récifs, les îlots, le sable à son passage S'est revêtu de fleurs, et cet âpre rivage Voit soudain, pour toujours délivré des autans, Au toucher de la lyre accourir le Printemps. Ah! que nous sommes loin de ces temps de merveilles! Les ondes, les rochers, les vents n'ont plus d'oreilles, Les coeurs même, les coeurs refusent de s'ouvrir, Et la lyre en passant ne fait plus rien fleurir. La Rose. À Madame M. Quand la rose s'entr'ouvre, heureuse d'être belle, De son premier regard elle enchante autour d'elle Et le bosquet natal et les airs et le jour. Dès l'aube elle sourit; la brise avec amour Sur le buisson la berce, et sa jeune aile errante Se charge en la touchant d'une odeur enivrante; Confiante, la fleur livre à tous son trésor. Pour la mieux respirer en passant on s'incline; Nous sommes déjà loin, mais la senteur divine Se répand sur nos pas et nous parfume encor. Le Fantôme. D'un souffle printanier l'air tout à coup s'embaume. Dans notre obscur lointain un spectre s'est dressé, Et nous reconnaissons notre propre fantôme Dans cette ombre qui sort des brumes du passé. Nous le suivons de loin, entraînés par un charme À travers les débris, à travers les détours, Retrouvant un sourire et souvent une larme Sur ce chemin semé de rêves et d'amours. Par quels champs oubliés et déjà voilés d'ombre Cette poursuite vaine un moment nous conduit! Vers plus d'un mont désert, dans plus d'un vallon sombre, Le fantôme léger nous égare après lui. Les souvenirs dormants de la jeunesse éteinte S'éveillent sous ses pas d'un sommeil calme et doux; Ils murmurent ensemble ou leur chant ou leur plainte, Dont les échos mourants arrivent jusqu'à nous. Et ces accents connus nous émeuvent encore. Mais à nos yeux bientôt la vision décroît; Comme l'ombre d'Hamlet qui fuit et s'évapore, Le spectre disparaît en criant: Souviens-toi! Les Malheureux. La trompette a sonné. Des tombes entr'ouvertes Les pâles habitants ont tout à coup frémi. Ils se lèvent, laissant ces demeures désertes Où dans l'ombre et la paix leur poussière a dormi. Quelques morts cependant sont restés immobiles; Ils ont tout entendu, mais le divin clairon Ni l'ange qui les presse, à ces derniers asiles Ne les arracheront. « Quoi! renaître! revoir le ciel et la lumière, Ces témoins d'un malheur qui n'est point oublié, Eux qui sur nos douleurs et sur notre misère Ont souri sans pitié! Non, non, plutôt la Nuit, la Nuit sombre, éternelle! Fille du vieux Chaos, garde-nous sous ton aile; Et toi, soeur du Sommeil, toi qui nous as bercés, Mort, ne nous livre pas; contre ton sein fidèle Tiens-nous bien embrassés. Ah! l'heure où tu parus est à jamais bénie; Sur notre front meurtri que ton baiser fut doux! Quand tout nous rejetait, le néant et la vie, Tes bras compatissants, ô notre unique amie! Se sont ouverts pour nous. Nous arrivions à toi, venant d'un long voyage, Battus par tous les vents, haletants, harassés. L'Espérance elle-même, au plus fort de l'orage, Nous avait délaissés. Nous n'avions rencontré que désespoir et doute, Perdus parmi les flots d'un monde indifférent. Où d'autres s'arrêtaient enchantés sur la route, Nous errions en pleurant. Près de nous la Jeunesse a passé les mains vides, Sans nous avoir fêtés, sans nous avoir souri. Les sources de l'amour sous nos lèvres avides Comme une eau fugitive au printemps ont tari. Dans nos sentiers brûlés pas une fleur ouverte. Si pour aider nos pas quelque soutien chéri Parfois s'offrait à nous sur la route déserte, Lorsque nous les touchions, nos appuis se brisaient; Tout devenait roseau quand nos coeurs s'y posaient. Au gouffre que pour nous creusait la destinée Une invisible main nous poussait acharnée. Comme un bourreau, craignant de nous voir échapper, À nos côtés marchait le Malheur inflexible. Nous portions une plaie à chaque endroit sensible, Et l'aveugle Hasard savait où nous frapper. Peut-être aurions-nous droit aux célestes délices; Non, ce n'est point à nous de redouter l'enfer, Car nos fautes n'ont pas mérité de supplices; Si nous avons failli, nous avons tant souffert! Eh bien! nous renonçons même à cette espérance D'entrer dans ton royaume et de voir tes splendeurs; Seigneur, nous refusons jusqu'à ta récompense, Et nous ne voulons pas du prix de nos douleurs. Nous le savons, tu peux donner encor des ailes Aux âmes qui ployaient sous un fardeau trop lourd; Tu peux, lorsqu'il te plaît, loin des sphères mortelles Les élever à toi dans la Grâce et l'Amour; Tu peux parmi les choeurs qui chantent tes louanges, À tes pieds, sous tes yeux, nous mettre au premier rang, Nous faire couronner par la main de tes anges, Nous revêtir de gloire en nous transfigurant. Tu peux nous pénétrer d'une vigueur nouvelle, Nous rendre le Désir que nous avions perdu... Oui, mais le Souvenir, cette ronce immortelle Attachée à nos coeurs, l'en arracheras-tu? Quand de tes chérubins la phalange sacrée Nous saluerait élus en ouvrant les saints lieux, Nous leur crierions bientôt d'une voix éplorée: Nous élus? nous heureux? mais regardez nos yeux! Les pleurs y sont encor, pleurs amers, pleurs sans nombre. Ah! quoi que vous fassiez, ce voile épais et sombre Nous obscurcit vos cieux. Contre leur gré pourquoi ranimer nos poussières? Que t'en reviendra-t-il? et que t'ont-elles fait? Tes dons mêmes après tant d'horribles misères Ne sont plus un bienfait. Ah! tu frappas trop fort en ta fureur cruelle. Tu l'entends, tu le vois, la Souffrance a vaincu. Dans un sommeil sans fin, ô puissance éternelle! Laisse-nous oublier que nous avons vécu. » L'Hyménée Et L'Amour. Sur le seuil des enfers Eurydice éplorée S'évaporait légère, et cette ombre adorée À son époux en vain dans un suprême effort Avait tendu les bras. Vers la nuit éternelle, Par delà les flots noirs le Destin la rappelle; Déjà la barque triste a gagné l'autre bord. Tout entier aux regrets de sa perte fatale, Orphée erra longtemps sur la rive infernale. Sa voix du nom chéri remplit ces lieux déserts. Il repoussait du chant la douceur et les charmes; Mais, sans qu'il la touchât, sa lyre sous ses larmes Rendait un son plaintif qui mourait dans les airs. Enfin, las d'y gémir, il quitta ce rivage Témoin de son malheur. Dans la Thrace sauvage Il s'arrête, et là, seul, secouant la torpeur Où le désespoir sombre endormait son génie, Il laissa s'épancher sa tristesse infinie En de navrants accords arrachés à son coeur. Ce fut le premier chant de la douleur humaine Que ce cri d'un époux et que sa plainte vaine; La parole et la lyre étaient des dons récents. Alors la poésie émue et colorée Voltigeait sans effort sur la lèvre inspirée Dans la grâce et l'ampleur de ses jeunes accents. Des sons harmonieux telle fut la puissance Qu'elle adoucit bientôt cette amère souffrance; Un sanglot moins profond sort de ce sein brisé. La Muse d'un sourire a calmé le poète; Il sent, tandis qu'il chante, une vertu secrète Descendre lentement dans son coeur apaisé. Et tout à coup sa voix qu'attendrissent encore Les larmes qu'il versa, prend un accent sonore. Son chant devient plus pur; grave et mélodieux, Il célèbre à la fois dans son élan lyrique L'Hyménée et l'Amour, ce beau couple pudique Qui marche heureux et fier sous le regard des Dieux. Il les peint dans leur force et dans la confiance De leurs voeux éternels. Sur le Temps qui s'avance Ils ont leurs yeux fixés que nul pleur n'a ternis. Leur présence autour d'eux répand un charme austère; Mais ces enfants du ciel descendus sur la terre Ne sont vraiment divins que quand ils sont unis. Oui, si quelque erreur triste un moment les sépare, Dans leurs sentiers divers bientôt chacun s'égare. Leur pied mal affermi trébuche à tout moment. La Pudeur se détourne et les Grâces décentes, Qui les suivaient, formant des danses innocentes, Ont à l'instant senti rougir leur front charmant. Eux seuls en l'enchantant font à l'homme éphémère Oublier ses destins. Leur main douce et légère Le soutient dans la vie et le guide au tombeau. Si les temps sont mauvais et si l'horizon semble S'assombrir devant eux, ils l'éclairent ensemble, Appuyés l'un sur l'autre et n'ayant qu'un flambeau. Pour mieux entendre Orphée, au sein de la nature Tout se taisait; les vents arrêtaient leur murmure. Même les habitants de l'Olympe éthéré Oubliaient le nectar; devant leur coupe vide Ils écoutaient charmés, et d'une oreille avide, Monter vers eux la voix du mortel inspiré. Ces deux divinités que chantait l'hymne antique N'ont rien perdu pour nous de leur beauté pudique; Leur front est toujours jeune et serein. Dans leurs yeux L'immortelle douceur de leur âme respire. Calme et pur, le bonheur fleurit sous leur sourire; Un parfum sur leurs pas trahit encor les Dieux. Bien des siècles ont fui depuis l'heure lointaine Où la Thrace entendit ce chant; sur l'âme humaine Plus d'un souffle a passé; mais l'homme sent toujours Battre le même coeur au fond de sa poitrine. Gardons-nous d'y flétrir la fleur chaste et divine De l'amour dans l'hymen éclose aux anciens jours. L'âge est triste; il pressent quelque prochaine crise. Déjà plus d'un lien se relâche ou se brise. On se trouble, on attend. Vers un but ignoré Lorsque l'orage est là qui bientôt nous emporte, Ah! pressons, s'il se peut, d'une étreinte plus forte Un coeur contre le nôtre, et dans un noeud sacré. Un Autre Coeur. Serait-ce un autre coeur que la Nature donne À ceux qu'elle préfère et destine à vieillir, Un coeur calme et glacé que toute ivresse étonne, Qui ne saurait aimer et ne veut pas souffrir? Ah! qu'il ressemble peu, dans son repos tranquille, À ce coeur d'autrefois qui s'agitait si fort! Coeur enivré d'amour, impatient, mobile, Au-devant des douleurs courant avec transport. Il ne reste plus rien de cet ancien nous-mêmes; Sans pitié ni remords le Temps nous l'a soustrait. L'astre des jours éteints, cachant ses rayons blêmes, Dans l'ombre qui l'attend se plonge et disparaît. À l'horizon changeant montent d'autres étoiles. Cependant, cher Passé, quelquefois un instant La main du Souvenir écarte tes longs voiles, Et nous pleurons encore en te reconnaissant. Savitri. Tiré Du Sanscrit. L'Inde me plaît, non pas que j'aie encore De mes yeux vu ce rivage enchanteur: Mais on sait lire et même, sauf erreur, On a du lieu déchiffré maint auteur. En ce pays des perles, de l'aurore, Des frais lotus et du parler divin, La poésie a l'horreur du mesquin. De mon cerveau si je tire à grand'peine, Tant bien que mal, quelques cents vers ici, C'est déjà trop; la muse hors d'haleine Demande grâce et le public aussi. Dans l'Inde seule ils se font par cent mille Ces mêmes vers, bien plus, on les y lit. Quels beaux slocas marchant tous à la file! J'en sais d'une aune et qui ne font un pli. Dans ce pays que nul donc ne s'étonne Si j'ai regret de ne pouvoir aller; Mais j'ai juré, c'est pour me consoler, Que si jamais je faisais à personne, Et de mon chef, quelque léger récit, Non pas sévère et froid comme l'histoire, Un peu moins vrai, mais aussi bon à croire, D'y mettre au moins mon héros; le voici: Or, mon héros était une héroïne, Princesse en plus, belle comme le jour. Grands yeux, front pur, taille souple et divine; Un morceau tel affriandait l'amour. Qui le croirait? à l'entour de la belle Aucun galant ne vint papillonner. En fait d'amour, si l'on en veut donner, Il ne faut point paraître une immortelle; Le respect nuit. Tous s'étaient écartés, Se rabattant sur de moindres beautés. Un certain jour, le roi qui n'avait qu'elle Pour tout espoir de sa noble maison, Lui dit: «. Ma fille, il est, je crois, saison Qu'à prendre époux chez nous on se prépare: Un père, hélas! ce n'est point un avare Qui tient pour lui son trésor enfermé; Après l'avoir tant soigné, tant aimé, Un beau matin il faut qu'il s'en sépare. Les filles sont, dès qu'elles ont vingt ans, De beaux fruits mûrs à la branche pendants. Celui d'entr'eux qu'on oublie et qu'on passe Perd de son prix; il se ride, il jaunit. S'il t'arrivait une telle disgrâce, Mon déplaisir en serait infini. En ton cas donc, ma fille, avec prudence Il serait bon d'aider la Providence, Et cet époux qui doit ton coeur toucher Ne venant point, il faut l'aller chercher. Dès aujourd'hui je te donne une escorte; Explore tout, les palais et les bois. Il s'est caché, ce gendre de mon choix; Mais, par le diantre! il faudra bien qu'il sorte Et qu'il épouse ou qu'il dise pourquoi. J'en donne ici ma parole de roi, Et, qui plus est, je te promets, ma fille, Quand à la fin tu l'auras déterré, S'il est aimable et de bonne famille, De l'accueillir et de l'avoir à gré. » A ces mots pleins de sens et de tendresse, Très-prudemment se garda la princesse De feindre honte ou de se récrier. Le changement de lieu plaît au bel âge; C'est naturel; puis pour un tel voyage J'en connais peu qui se feraient prier Le célibat n'est pas du goût des filles; Point n'est pour lui qu'elles sont si gentilles; Tant de vertus, de grâces et d'attraits Ont pour l'hymen été créés exprès. Nous le voyons, du moment qu'il s'éveille, C'est dans leur coeur que l'amour fait merveille; Il le choisit pour trône et pour séjour. Je ne dis point qu'elles sont sans faiblesse; Pourquoi mentir ? c'est une maladresse: Sur ce point donc je tiens ma plume court. Eve est leur mère après tout, et la dame A dans son temps commis un gros péché. Il nous en cuit: toutefois dans mon âme Je lui pardonne et me sens très-touché; Car elle aimait; chose au monde n'est telle Pour racheter le crime le plus lourd. Le coeur coupable à la flamme immortelle Redevient pur: c'est l'oeuvre de l'amour. Si n'eût aimé, jamais Eve au pauvre homme Eût-elle offert la moitié de sa pomme? Si n'eût aimé, se fût-elle à ses pas Avec courage attachée ici-bas, Soumise et douce, humble, sans plainte aucune, Partageant tout, la mauvaise fortune, La table maigre et le lit un peu dur; Et puis, venus le temps de l'âge mûr Et les langueurs à sa suite traînées, Choyant l'époux de ses jeunes années, D'un même amour, jusqu'au dernier instant, Sur son vieux coeur pressant ce coeur fidèle? Elle aimait donc; et mainte demoiselle, Je le suppose, en voudrait faire autant. C'est pour le mieux : la nature fort sage Ne donna point aux filles'sans raison (Soit de modeste ou de grande maison), Le goût d'entrer de bonne heure en ménage. D'ailleurs, pourvu qu'un mari soit bien né, D'humeur facile, élégant, bien tourné, Jeune surtout, point bourru, point volage, D'une âme noble avec un beau visage, D'un regard tendre avec un coeur aimant, A votre gré, n'est-ce un objet charmant? Au bord des cieux lorsque vint, pâle et' blonde, L'Aube en riant ouvrir la porte au Jour, Elle aperçut la princesse et son monde Qui sans délai s'éloignaient de la cour, Non pas au trot pourtant, car la monture Était peu leste; un superbe éléphant, La trompe au vent, grave et pesant d'allure, Sur son dos brun portait la belle enfant. Laissons-la donc cheminer de la sorte Tout doucement où son destin la porte. C'est, m'est avis, pour la fille d'un roi Courir un peu beaucoup à l'aventure. Que dis-je? un coeur n'est-ce boussole sûre? Coeur de vingt ans surtout qui, bel et droit, Marche à son but; lui se tromper d'endroit! Vous plaisantez. J'en ai donc l'espérance, Tout ira bien. Si c'était un laidron, Je craindrais fort qu'elle n'eût du guignon, Mais belle fille a toujours bonne chance. Un mois passa, puis deux, puis bientôt trois; Notre bon père était sur les épines; Il ne mangeait. Dans le palais des rois Déjà chômaient marmitons et cuisines: Nul courtisan n'aurait été si sot, Son roi jeûnant, de manger un morceau. Or, un beau soir, non pas tard, mais à l'heure Où le soleil vers l'horizon penchant De tons plus chauds colore le couchant, Le bon vieillard avait en sa demeure Pour ses conseils fait un sage venir. Ce sage-là connaissait l'avenir, Petit talent de bonne compagnie Qu'il exerçait à son risque et pour rien, Pauvre d'ailleurs et fort homme de bien. Le prince alors de sa fille chérie Contait le cas, sans omettre un seul point, Ni la beauté, ni l'âge mariable; Après venaient la disette incroyable Des prétendants, et la recherche au loin, Puis les trois mois et sa peine infinie. Il n'avait pas fini sa litanie, Qu'il entendit un aller, un venir De pas pressés : n'y pouvant plus tenir, (Bien que ce fût contraire à l'étiquette) Notre bon roi plantait là son prophète Et s'élançait, quand dans le même temps Il vit s'ouvrir la porte à deux battants. Et Savitri (la dame ainsi s'appelle) Parut au seuil; le père triomphant Dans ses deux bras reçut sa chère enfant. Le mouvement, le grand air, de la belle Allait encor les attraits rehaussant; Un feu plus vif éclairait sa prunelle, Plus vite aussi la jeune demoiselle Sous fine peau sentait courir son sang. « As-tu perdu ta peine et ton voyage? » Lui demanda le vieux prince aussitôt. Mais Savitri, d'un air modeste et sage, Pencha la tête et ne répondit mot. Notre bon prince à la clarté baissante Du jour fuyant, la voyant rougissante, A tout compris, car pour vieux que l'on soit, On sait encore à ne s'y tromper guère Ces effets-là sur le bout de son doigt. « Quel est son nom, sa patrie et son père? Reprit alors le monarque en émoi. Parle, voyons, aurais-tu peur de moi? -C'est Satjavan, mon père, qu'il s'appelle: Je ne sais point d'alliance plus belle, Car dans ce choix par mon coeur débattu, Je ne songeai qu'à sa seule vertu. A d'autre charme évitant de me rendre, De celui-là je n'ai su me défendre. Oui, je le crois, si le ciel par erreur L'eût créé laid, mais laid à faire peur, Mon coeur de même aurait pu s'en éprendre. Mais il est beau, rien n'y manque; un seul point Se trouve à dire; encor la chose est mince, C'est moins que rien : il est pauvre, et n'a point A me donner une seule province. Pourtant son père autrefois était prince; Mais devenu plus faible en ses vieux ans, Il fut chassé par des voisins puissants. Sans nul recours en ce péril extrême Il se sauva dans les bois, emportant Son fils enfant et plus cher que lui-même. A son destin le vieillard se prêtant Défriche un champ, bâtit une chaumière, Et des brebis fait paître aux alentours. Lui mort, son fils demeura sans secours; Seul et déchu de sa grandeur première, Au fond des bois il voit couler ses jours. Triste est ce sort, mais fût-il dix fois pire, Qui le voudrait changer pour un empire? Lorsqu'on est pauvre et de deuil entouré, Et sans patrie, et qu'un coeur de son gré Se donne à nous, cela veut beaucoup dire. » Quand la princesse eut ce beau discours fait: » Est-il donc vrai, demanda le bon sire, Qu'il soit au monde un homme aussi parfait? -Très-vrai, seigneur, lui repartit le sage, Et Savitri n'a pas tout dit encor: C'est un modèle, une perle, un coeur d'or; Jamais Brahma ne fit plus bel ouvrage. Et cependant, si j'étais écouté, Pour bon qu'il fût, il n'aurait point ta fille. Non qu'à regret je voie en ta famille Entrer l'amour avec la pauvreté: Ah! c'est un mal plus grand qu'il faut qu'on craigne! Mal sans remède ici-bas. Mon coeur saigne A te le dire. Hélas! il doit mourir, Ce bel objet de sa jeune tendresse. Ton fiancé tu le verras partir Non vieux, mais bien en sa fleur de jeunesse, Car il n'a plus sans répit ni recours A vivre en tout que deux ans moins trois jours. » On eût soudain vu pâlir la princesse A ce discours. Retenant ses sanglots, Au sage alors elle dit, le coeur gros: « Comment! la mort, d'abandon serait cause? Ah! la vieillesse est de mauvais conseil! Moi j'ai vingt ans, mais dans un cas pareil J'ai résolu déjà tout autre chose. Si Satjavan me doit être arraché, Qu'une heure au moins il ait connu la joie Mise en réserve à ceux que le ciel choie, L'amour d'un coeur à lui seul attaché Dans un noeud saint, et le trésor caché Des soins charmants et des chastes tendresses. Qui savoura de pareilles ivresses Peut sans regret marcher vers le trépas. De Satjavan que l'âme soit suivie D'un tel amour en partant d'ici-bas. Aimer, c'est là tout le gain de la vie; . Ah! souffrez donc qu'il ne le perde pas! » L'Amour toujours fut maître en rhétorique Comme en tous arts. Ce discours sans réplique Et de deux pleurs ou trois accompagné, A sur-le-champ le pauvre roi gagné. Alors, d'un air à la fois triste et tendre, Il répondit : « Je voudrais que mon gendre Fût plus durable au moins, sinon meilleur; Mais cependant je tiendrai ma parole. Bien que pour toi ton père se désole, Ma pauvre enfant, fais au gré de ton coeur. » Le bon vieillard, qui n'avait de sa vie A Savitri jamais refusé rien, Comme toujours lui passa son envie. Si me lisez, ô vous, pères de bien! Que la leçon vous instruise et vous serve. Car je n'ai pas un seul conte en réserve Où ce point-là soit si bien établi: Céder toujours c'est un très-mauvais pli. On vient d'abord d'une voix caressante A son papa demander un bijou, Puis une robe, un chapeau; n'est-ce tout? Plus on obtient, plus on devient pressante. Pompons, colliers, bracelets, maint chiffon Vers le logis arrive au pas de course; Le père voit défiler de sa bourse Les beaux écus. D'abord il dira non: Un non n'est rien s'il ne sait tenir bon. Mais le temps passe, et voici la cohorte Des prétendants qui s'arrête à la porte, Faisant d'aimer tous plus ou moins semblant; Des courts, des longs, de moyenne mesure, Les uns sans biens, les autres étalant Quelque trésor, et plusieurs leur ligure. Un jeune coeur en ce tohu-bohu, Me dira-t-on, ne sait auquel entendre. Mais non, le choix ne se fait point attendre; Et notre coeur a fort bien entendu. À cet égard, je ne m'abuse guère, Quand fille en tient, c'est pour un pauvre hère; Rien ne prévaut; son coeur s'est là buté; Il n'en démord, c'est un coeur entêté. Après rubans, chaînes d'or et dentelle, De guerre lasse enfin il faudra bien A votre enfant passer la bagatelle D'un mari gueux, mal en point, ou vaurien. D'un pas agile, et d'oreille en oreille, Pendant la nuit la nouvelle a trotté. Le fait est rare et je m'en émerveille; C'est en dormant qu'on aura caqueté. Toujours est-il qu'à la prochaine aurore, Lorsqu'au palais chacun ronflait encore, De tous côtés débouchaient assiégeants, Non point armés, mais portant marchandises, Échantillons, prospectus : c'étaient gens De tous métiers comme de toutes mises, Passementiers, modistes, bijoutiers. Nul ne plaignait ni ses pas ni sa peine. Les fournisseurs sont de bons lévriers Chassant à noce; un trousseau c'est aubaine. Mais ce jour-là, ce fut un fait exprès; Le vent, hélas! n'était pas à l'emplette: De débit point, et la perte fut nette. Pauvres marchands! nul ne couvrit ses frais. Atours, trousseau, nous n'en avons que faire, Et notre noce est assez triste affaire; Nous ne voulons achats ni beaux apprêts. » De mes trésors ni de mon haut parage, Dit Savitri, qu'il n'ait jamais soupçon. En fait d'aimer, je crois que l'avantage Aux pauvres gens revient; et pourquoi non? Leur coeur se donne avec moins de partage. Le nôtre donc sera tout notre apport. » Voici qu'on part. On voyage, on arrive. En vers pompeux et faits avec effort, De Satjavan la surprise un peu vive Je ne dirai; devant un tel transport Ma plume à moi tourne bride bien vite. Pauvre garçon! il vivait en ermite, A ses agneaux consacrant tous ses soins, Rivalisant avec eux d'innocence, Loin des humains, et n'ayant connaissance D'aucune chose, et d'amour encor moins. Il sentait bien, car il n'était de marbre, Par-ci par-là comme un trouble secret. Aucune femme encor dans sa forêt N'avait le pied mis de mémoire d'arbre. C'était désir, mais désir sans objet. Lorsqu'au printemps, sous la jeune feuillée, D'oiseaux jasaient une troupe éveillée, Becquée au bec ou brin d'herbe, empressés, Vaquant au soin de leur petit ménage, Il s'attristait et rêvait davantage.... Les nids sont faits pour donner des pensers. Mais quand chez lui passa notre princesse, Pour Apsara, je veux dire déesse, Il vous la prit, l'adorant aussitôt; Depuis ce jour il fut bien plus dévot. Et lorsque enfin il vil son immortelle Pour tout de bon sous son chaume arriver, A l'admirer il se mit de plus belle; Il se tâtait, croyant toujours rêver. Tant de trésors, de grâces inconnues, Moitié si belle et qui tombait des nues!... Mais j'oubliais, j'ai dit que sur ces points Dans mon récit je sautais à pieds joints. La joie, hélas! est de si court passage. Elle est si peu coutumière ici-bas!... Nul n'a le temps d'apprendre son langage. Je le comprends, mais ne le parle pas. Dès qu'on eut fait un bout de connaissance, On s'épousa; ce fut le premier soin. Hâter la noce en cette circonstance L'amour pouvait, l'amour n'y manqua point. Quand Savitri se vit reine et maîtresse De ce logis si pauvre, avec adresse A toute chose elle eut bientôt pourvu. Même on prétend qu'elle se mit en tête De l'embellir. Or, à pareille fête Ce toit obscur ne s'était jamais vu. C'étaient partout guirlandes ou trophée, Feuillage, fleurs; ces murs tristes et laids Sont décorés; sous cette main de fée Le chaume prit un faux air de palais. Chez elle, au gré de toute femme éprise, Un petit doigt d'élégance est requise; Elle s'y plaît et fait des alentours, Frais et riants, un cadre à ses amours. Pour Satjavan, époux n'était sur terre Plus dorloté ; c'étaient à chaque instant Surprises, soins; et lui se laissait faire, Payant sa dette en bon amour comptant. Le premier mois que l'on passe en ménage Est très-friand et porte un nom fort doux. Sur ses cadets que l'aîné s'avantage, Ce n'est pas juste, amants, qu'en dites-vous' Il aurait seul et la fleur et la crème? Moi j'en réserve aussi pour les derniers; Et toute lune, en fût-il des milliers, Me serait miel auprès de ce que j'aime. Notre mari pensait ainsi que moi. Toi seule, hélas! bien qu'aussi tu te plaises En ce bonheur, ton coeur n'y prend ses aises Comme l'on fait quand on se sent chez soi, O Savitri! Chaque heure, on le devine, En s'enfuyant y plantait une épine. Ton jeune époux avait bien dans tes yeux Surpris parfois quelques larmes furtives. Pour les sécher, il faisait de son mieux; Propos charmants et caresses plus vives, Regards plus doux, y perdaient leur latin. Désespéré, Satjavan à la fin Se dit un jour: « Quand la femme est heureuse, Elle serait parfois d'humeur pleureuse? A ce défaut l'autre sexe est porté? Qu'en sais-je, moi qui l'ai peu fréquenté? » -Oui, tu pleurais; pour ne donner d'alarmes, C'était bien bas : une fleur, un beau soir, Un mot, un rien t'était sujet de larmes. « Encore un an, il ne pourra plus voir Ni le soleil, ni moi, ni nulle chose.... » Et tout ton coeur se brisait à cela. Ma pauvre enfant, toujours l'amour repose Sur un roseau; n'en sommes nous tous là? -Oui, mais du moins vous gardez l'ignorance De l'heure où doit la mort frapper son coup: Entre roseaux qui s'aiment, l'espérance D'être brisé le premier, c'est beaucoup! Aimant, pleurant, le Temps toujours avance; C'est un vieillard, mais un vieillard pressé. Deux ans vraiment, c'est peu quand on y pense: Deux ans d'amour, ah! c'est si tôt passé Pour nos époux ils ont fui comme un rêve; Nous y voilà.... le jour fatal se lève. C'était le temps où les arbres jaunis Semblent pleurer leur feuillage et leurs nids. Quand la verdure et les chants, tout expire. Vous auriez dit, voyant les doux rayons Du jour glisser sur les derniers gazons, Comme un mourant qui veut encor sourire. Satjavan donc, levé de bon matin, Vers la forêt se mettait en chemin: Il y ferait sa charge de ramée; Le bois pour lors manquait à la maison. Mais Savitri, qui d'étrange façon, Et non sans cause, avait l'âme alarmée, Le voulut suivre. A son désir d'abord L'autre s'oppose, et fortement proteste Qu'il ira seul. Un froid brouillard encor Couvrait les bois; la rosée est funeste A la santé : Savitri ce matin S'enrhumerait, il en était certain. « Moi, te laisser me suivre, à Dieu ne plaise! » La dame, hélas! n'avait, bonne ou mauvaise, Nulle raison dont couvrir son dessein. Sans contester sur ce point davantage, Mais, je le veux! s'écria-t-elle enfin. Un je le veux dans un jeune ménage, C'est grave au moins. L'époux fut interdit; Car entre amants ce mot n'est pas d'usage! L'amour l'évite et ne l'a jamais dit. Ils partent donc, chacun à ses pensées, Et se taisant pour la première fois. Notre jeune homme, arrivé dans le bois, A peine avait deux branches ramassées, Que s'arrêtant, le regard assombri, « J'ai froid, dit-il, et j'ai la tête prise. » Puis se couchant auprès de Savitri, Dans sa douleur au pied d'un arbre assise, Il s'endormit sous le regard chéri. Du fond des bois dépouillés de leur ombre, Sortit alors comme une forme sombre. Ce n'était tigre égaré, ni chacal En course; hélas! c'était le dieu fatal, Et qui toujours vient trop tôt. Sa rencontre Sème partout le deuil et la terreur. Adieu plaisirs, bonheur, quand il se montre; Car on le sait sans oreille et sans coeur. Ce qu'il abat, la terre en est jonchée; Vertu, grandeur, tout passe par ses mains; Rien ne l'arrête, et des pauvres humains Il ne se gêne à faire ample fauchée. Même l'Amour ne trouva grâce encor; Il y perdait ses pleurs et sa prière. Or, ce dieu-là, l'Inde qui le révère L'appelle Yama: son domaine est la mort. Au bord du Gange ayant besogne grande, Plus que n'en peut même un dieu dépêcher, Il s'adjoignit un beau jour une bande D'aides de camp; point ne les faut prêcher. Oui, ce canton de la machine ronde, Vous l'arpentez, messieurs de l'autre monde, Moissonnant tout sur les pas du Destin. Le plus souvent lorsqu'il sait que la proie N'est que morceau mince, menu fretin, Yama n'y passe en personne; il envoie Quelqu'un des siens. Mais comme ce matin Il s'agissait après tout d'une altesse, Quoique déchue, il crut par politesse Devoir aller lui-même. Un peu d'égard Se doit au rang. « Il se fait déjà tard. Dépêchons-nous, j'en ai d'autres à prendre. -Quoi! pas un jour, une heure, un seul moment? Jusqu'à demain si tu pouvais attendre? -C'est aujourd'hui, c'est de suite, à l'instant Qu'il me le faut. -Arrête, dieu puissant! Je n'ai pas eu le temps de bien lui dire Ce qu'en mon coeur je tenais renfermé Pour lui d'amour. Veux-tu donc qu'il expire Sans avoir su comme il était aimé? -Ils s'aiment tous au moment où j'arrive; Mon aspect rend leur tendresse plus vive. » Mais sur-le-champ, d'un ton plus radouci, Le dieu reprit: >< Sais-tu qu'à mes oreilles De tes vertus il revient des merveilles? Écoute bien; pour te montrer qu'aussi J'estime fort un mérite si rare, Je veux t'offrir un don sans être avare. De mes morts seuls me déclarant jaloux, J'excepterai les jours de ton époux: Oté cela, fais ton choix, qu'il soit digne De ta vertu ; c'est pour te consoler Ce que j'en dis et par faveur insigne. Mais hâtons-nous, c'est déjà trop parler. -O grand Yama! mon choix sera fait vite; Il Test déjà dans mon coeur, mais j'hésite A l'exprimer. Quand je songe à ce don, Dieu de la mort, si tu t'allais dédire!... -Courage, enfant, dis toujours; allons donc. -Accorde-moi dans ton terrible empire D'accompagner Satjavan, et mes voeux Seront comblés. Seigneur, prends-nous tous deux; Du même coup que ta main me délivre; Emmène-moi ; qu'ai-je affaire de vivre Sans son amour, qui m'est tout ici-bas? -Hé bien! partons, dit le dieu du trépas; » Et puis soudain s'arrête et se ravise: « Non, reprit-il, je ne veux pas qu'on dise Qu'un bel amour ne m'a jamais touché. N'y comptez plus. Fût-elle aussi charmante Que Savitri, de la Mort nulle amante A l'avenir n'aura si bon marché. Je te le rends, et de plus j'abandonne Sur lui mes droits et sur toi, pour cent ans. Cent ans, vraiment, n'est-ce rien qu'on vous donne? Aimez-vous donc, vous en avez le temps. » Si vous l'avez jusqu'au bout écoutée, Vous trouverez mon histoire écourtée. Il se pourrait, et je ne dis pas non. Restèrent-ils toujours dans leur chaumière? Je n'en sais rien; ils auraient eu raison. L'amour au bois garde sa fleur première; Toujours printemps, point d'arrière-saison. S'ils ont choisi de plus riches pénates, Nous l'ignorons; ils n'auraient pas eu tort. Quoi d'étonnant au pauvre jonc des nattes De préférer lambris d'ivoire et d'or? Des beaux palais je ne suis point l'apôtre; Le confortable a cependant son prix; Il a du bon, et même un coeur épris A ses douceurs se rend tout comme un autre. Fauteuils profonds, chauds tapis, c'est charmant. Auriez-vous vu là dedans rien qui nuise? Je crois qu'au fond l'Amour, quoi qu'il en dise, N'a jamais fait fi d'un bon logement. Mais taisons-nous, car, remarque profonde, Les gens heureux, qui donc en parle au monde? J'ai mes raisons d'ailleurs pour finir là: Cent ans d'amour! comment conter cela? Sakoutala. Tiré Du Sanscrit. De l'Inde encore! A son ami lecteur Un grand courage il faut que l'on suppose. Passe une fois, mais nous doubler la dose! -Ah! soyez donc indulgent; un auteur En vain se met en quatre pour vous plaire; Vous agréer n'est pas petite affaire. Moi qui joyeux et suant sang et eau, De ce pays portais un fruit nouveau, Nouveau pour vous, je n'en fais point mystère, Ce même fruit, voici quelques cents ans Que l'Inde entière y mord à belles dents. -Il sera frais! -On y verrait encore Briller pourtant les larmes de l'Aurore. Sur sa peau fine et de ton velouté Glisse un rayon d'immortelle beauté; C'est grâce pure et fraîcheur sans pareille. Je vous offrais l'honneur de ma corbeille, Et je pensais par là m'achalander; Je vous traitais en nouvelle pratique. N'en parlons plus : à quelque autre boutique Tout de ce pas allez en marchander, Fruits boursouflés de plantes mal venues, Nés sans soleil, mais que l'on porte aux nues. -Diable! mon cher, que sera donc le tien? Montre-le-nous; cela n'engage à rien. -Ayant changé de ciel et de corbeille, Il a perdu de sa couleur vermeille; Bien que l'aveu coûte, je vous le dois. Ce doux produit d'une terre étrangère Eût demandé quelque main plus légère; Un peu de fleur est restée à mes doigts, Même beaucoup, il vous y faut attendre; C'est le déchet.-Je vois que tu sais vendre. Ton fruit si beau ne serait que rebut? Tu ne parlais ainsi vers le début. -Voyager nuit à cette marchandise. En voulez-vous ou non? -Quelle sottise! Un fruit flétri. -Vous m'en diriez merci; Quoique flétri, si votre lèvre y touche, Il pourrait bien vous laisser bonne bouche. -Donne-le donc! -Le voilà, goûtez-y. Un roi chassait; mais avant toute chose, Dépeignez-le, ce roi, s'écrîra-t-on. Quand je dis roi, tout d'abord on suppose, Sur ce nom-là, qu'il s'agit d'un barbon; A mon héros c'est faire un tort immense, Lui qui n'avait pas de poil au menton. Par le décrire il faut que je commence. Il était beau, mais non comme le jour, Le jour c'est vieux, je dirai donc l'aurore, C'est bien plus jeune : il n'avait point encore Vingt ans; c'était un frère de l'Amour. Or, on est beau de plus d'une manière. Je reconnais deux beautés : la première Consiste aux traits; la ligne et le contour En font les frais. Seule, elle est fort sévère Et touche peu; c'est un marbre glacé Où de l'Amour la main n'a point passé; Rien n'a monté du coeur vers le visage. L'autre, et cela je le dis entre nous. Vient droit de l'âme et d'Amour est l'ouvrage. Elle est tout charme; un penser vague et doux Laisse en maint lieu trace de son passage; Le front s'éclaire; on dirait que les yeux Nagent baignés d'une molle lumière. De ces beautés je prendrais la dernière Mais mon héros les avait toutes deux. Il aimait donc? me dira-t-on surprise. Source: http://www.poesies.net