POESIES ANTIQUES de André Chénier Table Des Matières (Poésies Antiques) A compter nos brebis je remplace ma mère A l'hirondelle Ah ! prends un coeur humain, laboureur trop avide Amymone Bacchus Bel astre de Vénus... Chrysé Épilogue Euphrosyne Fille du vieux pasteur, qui d'une main agile Hercule Hylas J'étais un faible enfant qu'elle était grande et belle Je sais, quand le midi leur fait désirer l'ombre L'amour endormi L'amour et le berger L'amour laboureur La jeune Locrienne La jeune Tarentine Le jeune malade Lydé Médée Mnaïs Néère Pasiphaé Sur un groupe de Jupiter et d'Europe Toujours ce souvenir m'attendrit et me touche Voilà ce que chantait aux Naïades prochaines A COMPTER NOS BREBIS. . . A compter nos brebis je remplace ma mère ; Dans nos riches enclos j'accompagne mon père ; J'y travaille avec lui. C'est moi de qui la main, Au retour de l'été, fait résonner l'airain Pour arrêter bientôt d'une ruche troublée Avec ses jeunes rois la jeunesse envolée. Une ruche nouvelle à ces peuples nouveaux Est ouverte ; et l'essaim, conduit dans les rameaux Qu'un olivier voisin présente à son passage, Pend en grappe bruyante à son amer feuillage. A L'HIRONDELLE. Fille de Pandion, ô jeune Athénienne, La cigale est ta proie, hirondelle inhumaine, Et nourrit tes petits qui, débiles encor, Nus, tremblants, dans les airs n'osent prendre l'essor. Tu voles ; comme toi la cigale a des ailes. Tu chantes ; elle chante. A vos chansons fidèles Le moissonneur s'égaye, et l'automne orageux En des climats lointains vous chasse toutes deux. Oses-tu donc porter, dans ta cruelle joie, A ton nid sans pitié cette innocente proie ? Et faut-il voir périr un chanteur sans appui Sous la morsure, hélas ! d'un chanteur comme lui ! Ah ! prends un coeur humain, laboureur trop avide. Lorsque d'un pas tremblant l'indigence timide De tes larges moissons vient, le regard confus, Recueillir après toi les restes superflus, Souviens-toi que Cybèle est la mère commune. Laisse la probité que trahit la fortune, Comme l'oiseau du ciel, se nourrir à tes pieds De quelques grains épars sur la terre oubliés. AMYMONE Salut, belle Amymone ; et salut, onde amère A qui je dois la belle à mes regards si chère. Assise dans sa barque, elle franchit les mers. Son écharpe à longs plis serpente dans les airs. Ainsi l'on vit Thétis flottant vers le Pénée, Conduite à son époux par le blond Hyménée, Fendre la plaine humide, et, se tenant au frein, Presser le dos glissant d'un agile dauphin. Si tu fusses tombée en ces gouffres liquides, La troupe aux cheveux noirs des fraîches Néréides A ton aspect sans doute aurait eu de l'effroi, Mais pour te secourir n'eût point volé vers toi. Près d'elle descendue, à leurs yeux exposée, Opis et Cymodoce et la blanche Nésée Eussent rougi d'envie, et sur tes doux attraits Cherché, non sans dépit, quelques défauts secrets ; Et loin de toi chacune, avec un soin extrême, Sous un roc de corail menant le dieu qu'elle aime, L'eût tourmenté de cris amers, injurieux, S'il avait en partant jeté sur toi les yeux. BACCHUS Viens, ô divin Bacchus, ô jeune Thyonée, Ô Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée ; Viens, tel que tu parus aux déserts de Naxos, Quand ta voix rassurait la fille de Minos. Le superbe éléphant, en proie à ta victoire, Avait de ses débris formé ton char d'ivoire. De pampres, de raisins mollement enchaîné, Le tigre aux lares flancs de taches sillonné, Et le lynx étoilé, la panthère sauvage, Promenaient avec toi ta cour sur ce rivage. L'or reluisait partout aux axes de tes chars. Les Ménades couraient en longs cheveux épars Et chantaient Évius, Bacchus et Thyonée, Et Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée, Et tout ce que pour toi la Grèce eut de beaux noms. Et la voix des rochers répétait leurs chansons ; Et le rauque tambour, les sonores cymbales, Les hautbois tortueux, et les doubles crotales Qu'agitaient en dansant sur ton bruyant chemin Le faune, le satyre et le jeune sylvain, Au hasard attroupés autour du vieux Silène, Qui, sa coupe à la main, de la rive indienne, Toujours ivre, toujours débile, chancelant, Pas à pas cheminait sur son âne indolent. (inachevé) Bel astre de Vénus... de André CHÉNIER recueil : Poésies Antiques Bel astre de Vénus, de son front délicat Puisque Diane encor voile le doux éclat, Jusques à ce tilleul, au pied de la colline, Prête à mes pas secrets ta lumière divine. Je ne vais point tenter de nocturnes larcins, Ni tendre aux voyageurs des pièges assassins. J'aime : je vais trouver des ardeurs mutuelles, Une nymphe adorée, et belle entre les belles, Comme, parmi les feux que Diane conduit, Brillent tes feux si purs, ornement de la nuit. Chrysé de André CHÉNIER recueil : Poésies Antiques Pourquoi, belle Chrysé, t'abandonnant aux voiles, T'éloigner de nos bords sur la foi des étoiles ? Dieux ! je t'ai vue en songe ; et, de terreur glacé, J'ai vu sur des écueils ton vaisseau fracassé, Ton corps flottant sur l'onde, et tes bras avec peine Cherchant à repousser la vague ionienne. Les filles de Nérée ont volé près de toi. Leur sein fut moins troublé de douleur et d'effroi, Quand, du bélier doré qui traversait leurs ondes, La jeune Hellé tomba dans leurs grottes profondes. Oh ! que j'ai craint de voir à cette mer, un jour, Tiphys donner ton nom et plaindre mon amour ! Que j'adressai de voeux aux dieux de l'onde amère ! Que de voeux à Neptune, à Castor, à son frère ! Glaucus ne te vit point ; car sans doute avec lui Déesse au sein des mers tu vivrais aujourd'hui. Déjà tu n'élevais que des mains défaillantes ; Tu me nommais déjà de tes lèvres mourantes, Quand, pour te secourir, j'ai vu fendre les flots Au dauphin qui sauva le chanteur de Lesbos. Épilogue de André CHÉNIER recueil : Poésies Antiques Ma Muse pastorale aux regards des Français Osait ne point rougir d'habiter les forêts. Elle eût voulu montrer aux belles de nos villes La champêtre innocence et les plaisirs tranquilles ; Et, ramenant Palès des climats étrangers, Faire entendre à la Seine enfin de vrais bergers. Elle a vu, me suivant dans mes courses rustiques, Tous les lieux illustrés par des chants bucoliques. Ses pas de l'Arcadie ont visité les bois, Et ceux du Mincius, que Virgile autrefois Vit à ses doux accents incliner leur feuillage ; Et d'Hermus aux flots d'or l'harmonieux rivage, Où Bion, de Vénus répétant les douleurs, Du beau sang d'Adonis a fait naître des fleurs ; Vous, Aréthuse aussi, que de toute fontaine Théocrite et Moschus firent la souveraine ; Et les bords montueux de ce lac enchanté, Des vallons de Zurich pure divinité, Qui du sage Gessner à ses nymphes avides Murmure les chansons sous leurs antres humides. Elle s'est abreuvée à ces savantes eaux, Et partout sur leurs bords a coupé des roseaux. Puisse-t-elle en avoir pris sur les mêmes tiges Que ces chanteurs divins, dont les doctes prestiges Ont aux fleuves charmés fait oublier leurs cours, Aux troupeaux l'herbe tendre, au pasteur ses amours ! De ces roseaux liés par des noeuds de fougère Elle osait composer sa flûte bocagère, Et voulait, sous ses doigts exhalant de doux sons, Chanter Pomone et Pan, les ruisseaux, les moissons, Les vierges aux doux yeux, et les grottes muettes, Et de l'âge d'amour les ardeurs inquiètes. EUPHOSYNE Ah ! ce n'est point à moi qu'on s'occupe de plaire. Ma soeur plus tôt que moi dut le jour à ma mère. Si quelques beaux bergers apportent une fleur, Je sais qu'en me l'offrant ils regardent ma soeur ; S'ils vantent les attraits dont brille mon visage, Ils disent à ma soeur : " C'est ta vivante image. " Ah ! pourquoi n'ai-je encore vu que douze moissons ? Nul amant ne me flatte en ses douces chansons ; Nul ne dit qu'il mourra si je suis infidèle. Mais j'attends. L'âge vient. Je sais que je suis belle. Je sais qu'on ne voit point d'attraits plus désirés Qu'un visage arrondi, de longs cheveux dorés, Dans une bouche étroite un double rang d'ivoire, Et sur de beaux yeux bleus une paupière noire. FILLE DU VIEUX PASTEUR. . . Fille du vieux pasteur, qui d'une main agile Le soir emplis de lait trente vases d'argile, Crains la génisse pourpre, au farouche regard, Qui marche toujours seule, et qui paît à l'écart. Libre, elle lutte et fuit intraitable et rebelle. Tu ne presseras point sa féconde mamelle, A moins qu'avec adresse un de ses pieds lié Sous un cuir souple et lent ne demeure plié. HERCULE Oeta, mont ennobli par cette nuit ardente, Quand l'infidèle époux d'une épouse imprudente Reçut de son amour un présent trop jaloux, Victime du centaure immolé par ses coups. Il brise tes forêts : ta cime épaisse et sombre En un bûcher immense amoncelle sans nombre Les sapins résineux que son bras a ployés. Il y porte la flamme ; il monte, sous ses pieds Étend du vieux lion la dépouille héroïque, Et l'oeil au ciel, la main sur la massue antique Attend sa récompense et l'heure d'être un dieu. Le vent souffle et mugit. Le bûcher tout en feu Brille autour du héros, et la flamme rapide Porte aux palais divins l'âme du grand Alcide ! HYLAS Au chevalier de Pange. Le navire éloquent, fils des bois du Pénée, Qui portait à Colchos la Grèce fortunée, Craignant près de l'Euxin les menaces du Nord, S'arrête, et se confie au doux calme d'un port. Aux regards des héros le rivage est tranquille ; Ils descendent. Hylas prend un vase d'argile, Et va, pour leurs banquets sur l'herbe préparés, Chercher une onde pure en ces bords ignorés. Reines, au sein d'un bois, d'une source prochaine, Trois naïades l'ont vu s'avancer dans la plaine. Elles ont vu ce front de jeunesse éclatant, Cette bouche, ces yeux. Et leur onde à l'instant Plus limpide, plus belle, un plus léger zéphyre, Un murmure plus doux l'avertit et l'attire : Il accourt. Devant lui l'herbe jette des fleurs ; Sa main errante suit l'éclat de leurs couleurs ; Elle oublie, à les voir, l'emploi qui la demande, Et s'égare à cueillir une belle guirlande. Mais l'onde encor soupire et sait le rappeler. Sur l'immobile arène il l'admire couler, Se courbe, et, s'appuyant à la rive penchante, Dans le cristal sonnant plonge l'urne pesante. De leurs roseaux touffus les trois nymphes soudain Volent, fendent leurs eaux, l'entraînent par la main En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles. Sur leur sein, dans leurs bras, assis au milieu d'elles, Leur bouche, en mots mielleux où l'amour est vanté, Le rassure, et le loue, et flatte sa beauté. Leurs mains vont caressant sur sa joue enfantine De la jeunesse en fleur la première étamine, Ou sèchent en riant quelques pleurs gracieux Dont la frayeur subite avait rempli ses yeux. " Quand ces trois corps d'albâtre atteignaient le rivage, D'abord j'ai cru, dit-il, que c'était mon image Qui, de cent flots brisés prompte à suivre la loi, Ondoyante, volait et s'élançait vers moi. " Mais Alcide inquiet, que presse un noir augure, Va, vient, le cherche, crie auprès de l'onde pure : " Hylas ! Hylas ! " Il crie et mille et mille fois. Le jeune enfant de loin croit entendre sa voix, Et du fond des roseaux, pour adoucir sa peine, Lui répond d'une voix inentendue et vaine. De Pange, c'est vers toi qu'à l'heure du réveil Court cette jeune Idylle au teint frais et vermeil. Va trouver mon ami, va, ma fille nouvelle, Lui disais-je. Aussitôt, pour te paraître belle, L'eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants ; D'une étroite ceinture elle a pressé ses flancs ; Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête, Et sa flûte à la main, sa flûte qui s'apprête A défier un jour les pipeaux de Segrais, Seuls connus parmi nous aux nymphes des forêts. J'ETAIT UN FAIBLE ENFANT. . . J'étais un faible enfant qu'elle était grande et belle ; Elle me souriait et m'appelait près d'elle. Debout sur ses genoux, mon innocente main Parcourait ses cheveux, son visage, son sein, Et sa main quelquefois, aimable et caressante, Feignait de châtier mon enfance imprudente. C'est devant ses amants, auprès d'elle confus, Que la fière beauté me caressait le plus. Que de fois (mais, hélas ! que sent-on à cet âge ?) Les baisers de sa bouche ont pressé mon visage ! Et les bergers disaient, me voyant triomphant : " Ô que de biens perdus ! ô trop heureux enfant ! " JE SAIS QUAND. . . Je sais, quand le midi leur fait désirer l'ombre, Entrer à pas muets sous le roc frais et sombre, D'où parmi le cresson et l'humide gravier La naïade se fraye un oblique sentier. Là j'épie à loisir la nymphe blanche et nue Sur un banc de gazon mollement étendue, Qui dort, et sur sa main, au murmure des eaux, Laisse tomber son front couronné de roseaux. L'AMOUR ENDORMI Là reposait l'Amour, et sur sa joue en fleur D'une pomme brillante éclatait la couleur. Je vis, dès que j'entrai sous cet épais bocage, Son arc et son carquois suspendus an feuillage. Sur des monceaux de rose au calice embaumé Il dormait. Un souris sur sa bouche formé L'entr'ouvrait mollement, et de jeunes abeilles L'AMOUR ET LE BERGER Loin des bords trop fleuris de Gnide et de Paphos, Effrayé d'un bonheur ennemi du repos, J'allais, nouveau pasteur, aux champs de Syracuse Invoquer dans mes vers la nymphe d'Aréthuse, Lorsque Vénus, du haut des célestes lambris, Sans armes, sans carquois, vint m'amener son fils. Tous deux ils souriaient : " Tiens, berger, me dit-elle, Je te laisse mon fils, sois son guide fidèle ; Des champêtres douceurs instruis ses jeunes ans ; Montre-lui la sagesse, elle habite les champs. " Elle fuit. Moi, crédule à cette voix perfide, J'appelle près de moi l'enfant doux et timide. Je lui dis nos plaisirs et la paix des hameaux ; Un dieu même au Pénée abreuvant des troupeaux ; Bacchus et les moissons ; quel dieu, sur le Ménale, Forma de neuf roseaux une flûte inégale. Mais lui, sans écouter mes rustiques leçons, M'apprenait à son tour d'amoureuses chansons : La douceur d'un baiser et l'empire des belles ; Tout l'Olympe soumis à des beautés mortelles ; Des flammes de Vénus Pluton même animé ; Et le plaisir divin d'aimer et d'être aimé. Que ses chants étaient doux ! je m'y laissai surprendre. Mon âme ne pouvait se lasser de l'entendre. Tous mes préceptes vains, bannis de mon esprit, Pour jamais firent place à tout ce qu'il m'apprit. Il connaît sa victoire, et sa bouche embaumée Verse un miel amoureux sur ma bouche pâmée. Il coula dans mon cœur ; et, de cet heureux jour, Et ma bouche et mon coeur n'ont respiré qu'amour. L'AMOUR LABOUREUR Nouveau cultivateur, armé d'un aiguillon, L'Amour guide le soc et trace le sillon ; Il presse sous le joug les taureaux qu'il enchaîne. Son bras porte le grain qu'il sème dans la plaine. Levant le front, il crie au monarque des dieux : " Toi, mûris mes moissons, de peur que loin des cieux Au joug d'Europe encor ma vengeance puissante Ne te fasse courber ta tête mugissante. " LA JEUNE LOCRIENNE " Fuis, ne me livre point. Pars avant son retour ; " Lève-toi ; pars, adieu ; qu'il n'entre, et que ta vue " Ne cause un grand malheur, et je serais perdue ! " Tiens, regarde, adieu, pars : ne vois-tu pas le jour ? " Nous aimions sa naïve et riante folie, Quand soudain, se levant, un sage d'Italie, Maigre, pâle, pensif, qui n'avait point parlé, Pieds nus, la barbe noire, un sectateur zélé Du muet de Samos qu'admire Métaponte, Dit : " Locriens perdus, n'avez-vous pas de honte ? Des moeurs saintes jadis furent votre trésor ; Vos vierges, aujourd'hui riches de pourpre et d'or, Ouvrent leur jeune bouche à des chants adultères. Hélas ! qu'avez-vous fait des maximes austères De ce berger sacré que Minerve autrefois Daignait former en songe à vous donner des lois ? " Disant ces mots, il sort... Elle était interdite ; Son oeil noir s'est mouillé d'une larme subite ; Nous l'avons consolée, et ses ris ingénus, Ses chansons, sa gaîté, sont bientôt revenus. Un jeune Thurien, aussi beau qu'elle est belle (Son nom m'est inconnu), sortit presque avec elle : Je crois qu'il la suivit et lui fit oublier Le grave Pythagore et son grave écolier. LA JEUNE TARENTINE Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez! Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine! Un vaisseau la portait aux bords de Camarine: Là, l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a, pour cette journée, Sous le cèdre enfermé sa robe d'hyménée, Et l'or dont au festin ses bras seront parés, Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflaient dans les voiles L'enveloppe: étonnée et loin des matelots, Elle tombe, elle crie, elle est au sein des flots. Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine! Son beau corps a roulé sous la vague marine. Téthys, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher, Aux monstres dévorants eut soin de le cacher. Par son ordre bientôt les belles Néréides S'élèvent au-dessus des demeures humides, Le portent au rivage, et dans ce monument L'ont au cap du Zéphir déposé mollement; Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes, Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes, Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil, Répétèrent, hélas! autour de son cercueil: «Hélas! chez ton amant tu n'es point ramenée, Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée, L'or autour de ton bras n'a point serré de noeuds, Et le bandeau d'hymen n'orna point tes cheveux.» LE JEUNE MALADE «Apollon, dieu sauveur, dieu des savants mystères, Dieu de la vie, et dieu des plantes salutaires, Dieu vainqueur de Python, dieu jeune et triomphant, Prends pitié de mon fils, de mon unique enfant! Prends pitié de sa mère aux larmes condamnée, Qui ne vit que pour lui, qui meurt abandonnée, Qui n'a pas dû rester pour voir mourir son fils; Dieu jeune, viens aider sa jeunesse. Assoupis, Assoupis dans son sein cette fièvre brûlante Qui dévore la fleur de sa vie innocente. Apollon, si jamais, échappé du tombeau, Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau, Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue De ma coupe d'onyx à tes pieds suspendue; Et, chaque été nouveau, d'un jeune taureau blanc La hache à ton autel fera couler le sang. Eh bien! mon fils, es-tu toujours impitoyable? Ton funeste silence est-il inexorable? Enfant, tu veux mourir? Tu veux, dans ses vieux ans, Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs? Tu veux que ce soit moi qui ferme ta paupière? Que j'unisse ta cendre à celle de ton père? C'est toi qui me devais ces soins religieux, Et ma tombe attendait tes pleurs et tes adieux. Parle, parle, mon fils, quel chagrin te consume? Les maux qu'on dissimule en ont plus d'amertume. Ne lèveras-tu point ces yeux appesantis? – Ma mère, adieu; je meurs, et tu n'as plus de fils. Non, tu n'as plus de fils, ma mère bien-aimée. Je te perds. Une plaie ardente, envenimée, Me rouge; avec effort je respire, et je crois Chaque fois respirer pour la dernière fois. Je ne parlerai pas; adieu... Ce lit me blesse, Ce tapis qui me couvre accable ma faiblesse; Tout me pèse et me lasse. Aide-moi, je me Meurs. Tourne-moi sur le flanc. Ah! j'expire! ô douleurs – Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage; Sa chaleur te rendra ta force et ton courage. La mauve, le dictame ont, avec les pavots, Mêlé leurs sucs puissants qui donnent le repos; Sur le vase bouillant, attendrie à mes larmes, Une Thessalienne a composé des charmes. Ton corps débile a vu trois retours du soleil Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil. Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière; C'est ta mère, ta vieille inconsolable mère Qui pleure; qui jadis te guidait pas à pas, T'asseyait sur son sein, te portait dans ses bras; Que tu disais aimer, qui t'apprit à le dire; Qui chantait, et souvent te forçait à sourire Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs, De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs. Tiens, presse de ta lèvre, hélas! pâle et glacée, Par qui cette mamelle était jadis pressée, Un sue qui te nourrisse et vienne à ton secours, Comme autrefois mon lait nourrit tes premiers jours. – O coteaux d'Erymanthe! ô vallons! ô bocage! O vent sonore et frais qui troublais le feuillage, Et faisais frémir l'onde, et sur leur jeune sein Agitais les replis de leur robe de lin! De légères beautés troupe agile et dansante! Tu sais, tu sais, ma mère, aux bords de l'Erymanthe... Là, ni loups ravisseurs, ni serpents, ni poisons. O visage divin! ô fêtes! ô chansons! Des pas entrelacés, des fleurs, une onde pure... Aucun lieu n'est si beau dans toute la nature. Dieux! ces bras et ces fleurs, ces cheveux, ces pieds nus Si blancs, si délicats! je ne les verrai plus! Oh! portez, portez-moi sur les bords d'Erymanthe, Que je la voie encor, cette nymphe dansante! Oh! que je voie au loin la fumée à longs flots S'élever de ce toit au bord de cet enclos! Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse, Sa voix, trop heureux père! enchante ta vieillesse. Dieux! par-dessus la haie élevée en remparts, Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars, Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée, S'arrêter et pleurer sa mère bien-aimée. Oh! que tes yeux sont doux! que ton visage est beau! Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau? Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles, Dire sur mon tombeau: Les Parques sont cruelles! – Ah! mon fils, c'est l'amour! c'est l'amour insensé Qui t'a jusqu'à ce point cruellement blessé? Ah! mon malheureux fils! Oui, faibles que nous sommes, C'est toujours cet amour qui tourmente les hommes. S'ils pleurent en secret, qui lira dans leur coeur Verra que cet amour est toujours leur vainqueur. Mais, mon fils, mais dis-moi, quelle nymphe dansante, Quelle vierge as-tu vue an bord de l'Erymanthe? N'es-tu pas riche et beau? du moins quand la douleur N'avait point de ta joue éteint la jeune fleur? Parle. Est-ce cette AEglé, fille du roi des ondes, Ou cette jeune Irène aux longues tresses blondes? Ou ne sera-ce point cette fière beauté Dont j'entends le beau nom chaque jour répété, Dont j'apprends que partout les belles sont jalouses? Qu'aux temples, aux festins, les mères, les épouses, Ne sauraient voir, dit-on, sans peine et sans effroi? Cette belle Daphné?... – Dieux! ma mère, tais-toi, Tais-toi. Dieux! qu'as-tu dit? elle est fière, inflexible; Comme les immortels, elle est belle et terrible! Mille amants l'ont aimée; ils l'ont aimée en vain. Comme eux j'aurais trouvé quelque refus hautain. Non, garde que jamais elle soit informée... Mais, ô mort! ô tourment! ô mère bien-aimée! Tu vois dans quels ennuis dépérissent mes jours. Ecoute ma prière et viens à mon secours: Je meurs; va la trouver: que tes traits, que ton âge, De sa mère à ses yeux offrent la sainte image. Tiens, prends cette corbeille et nos fruits les plus beaux; Prends notre Amour d'ivoire, honneur de ces hameaux Prends la coupe d'onyx à Corinthe ravie; Prends mes jeunes chevreaux, prends mon coeur, prends ma vie; Jette tout à ses pieds; apprends-lui qui je suis; Dis-lui que je me meurs, que tu n'as plus de fils; Tombe aux pieds du vieillard, gémis, implore, presse; Adjure cieux et mers, dieu, temple, autel, déesse... Pars; et si tu reviens sans les avoir fléchis, Adieu, ma mère, adieu, tu n'auras plus de fils. – J'aurai toujours un fils; va, la belle espérance Ne dit...» Elle s'incline, et, dans un doux silence, Elle couvre ce front, terni par les douleurs, De baisers maternels entremêlés de pleurs. Puis elle sort en hâte, inquiète et tremblante. La démarche de crainte et d'âge chancelante, Elle arrive; et bientôt revenant sui, ses pas, Haletante, de loin: «Mon cher fils, tu vivras, Tu vivras.» Elle vient s'asseoir près de la couche Le vieillard la suivait, le sourire à la bouche. La jeune belle aussi, rouge et le front baissé, Vient, jette sur le lit un coup d'oeil. L'insensé Tremble; sous ses tissus il veut cacher sa tête. «Ami, depuis trois jours tu n'es d'aucune fête, Dit-elle; que fais-tu? pourquoi veux-tu mourir? Tu souffres. L'on me dit que je peux te guérir; Vis, et formons ensemble une seule famille. Que mon père ait un fils, et ta mère une fille. » LYDE " Mon visage est flétri des regards du soleil. Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil. J'ai suivi tout le jour le fond de la vallée ; Des bêlements lointains partout m'ont appelée. J'ai couru ; tu fuyais sans doute loin de moi : C'était d'autres pasteurs. Où te chercher, ô toi Le plus beau des humains ? Dis-moi, fais-moi connaître Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître. Ô jeune adolescent ! tu rougis devant moi. Vois mes traits sans couleur ; ils pâlissent pour toi : C'est ton front virginal, ta grâce, ta décence. Viens ; il est d'autres jeux que les jeux de l'enfance. Ô jeune adolescent, viens savoir que mon coeur N'a pu de ton visage oublier la douceur. Bel enfant, sur ton front la volupté réside ; Ton regard est celui d'une vierge timide. Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour, Semble encore ignorer qu'on soupire d'amour ; Viens le savoir de moi ; viens, je veux te l'apprendre. Viens remettre en mes mains ton âme vierge et tendre, Afin que mes leçons, moins timides que toi, Te fassent soupirer et languir comme moi ; Et qu'enfin rassuré, cette joue enfantine Doive à mes seuls baisers cette rougeur divine. Oh ! je voudrais qu'ici tu vinsses un matin Reposer mollement ta tête sur mon sein ! Je te verrais dormir, retenant mon haleine, De peur de t'éveiller, ne respirant qu'à peine. Mon écharpe de lin que je ferais flotter, Loin de ton beau visage aurait soin d'écarter Les insectes volants et la jalouse abeille... " La nymphe l'aperçoit, et l'arrête, et soupire. Vers un banc de gazon, tremblante, elle l'attire ; Elle s'assied. Il vient, timide avec candeur, Ému d'un peu d'orgueil, de joie et de pudeur. Les deux mains de la nymphe errent à l'aventure. L'une, de son front blanc, va de sa chevelure Former les blonds anneaux. L'autre de son menton Caresse lentement le mol et doux coton. " Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle, Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle. Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi. Dis, quel âge, mon fils, s'est écoulé pour toi ? Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire ? Aujourd'hui, m'a-t-on dit, tes compagnons de gloire, Trop heureux ! te pressaient entre leurs bras glissants, Et l'olive a coulé sur tes membres luisants. Tu baisses tes yeux noirs ? Bienheureuse la mère Qui t'a formé si beau, qui t'a nourri pour plaire ! Sans doute elle est déesse. Eh quoi ! ton jeune sein Tremble et s'élève ? Enfant, tiens, porte ici ta main. Le mien plus arrondi s'élève davantage. Ce n'est pas (le sais-tu ? déjà dans le bocage Quelque voile de nymphe est-il tombé pour toi ?), Ce n'est pas cela seul qui diffère chez moi. Tu souris ? tu rougis ? Que ta joue est brillante ! Que ta bouche est vermeille et ta peau transparente ! N'es-tu pas Hyacinthe au blond Phoebus si cher ? Ou ce jeune Troyen ami de Jupiter ? Ou celui qui, naissant pour plus d'une immortelle, Entr'ouvrit de Myrrha l'écorce maternelle ? Enfant, qui que tu sois, oh ! tes yeux sont charmants, Bel enfant, baise-moi. Mon coeur de mille amants Rejeta mille fois la poursuite enflammée ; Mais toi seul, aime-moi, j'ai besoin d'être aimée. ................................................. La pierre de ma tombe à la race future Dira qu'un seul hymen délia ma ceinture. ................................................. Viens : là sur des joncs frais ta place est toute prête. Viens, viens, sur mes genoux, viens reposer ta tête. Les yeux levés sur moi, tu resteras muet, Et je te chanterai la chanson qui te plaît. Comme on voit, au moment où Phoebus va renaître, La nuit prête à s'enfuir, le jour prêt à paraître, Je verrai tes beaux yeux, les yeux de mon ami, En un léger sommeil se fermer à demi. Tu me diras : " Adieu ! je dors ; adieu ! ma belle. " Adieu ! dirai-je, adieu ! dors, mon ami fidèle, Car le . . . aussi dort, le front vers les cieux, Et j'irai te baiser et le front et les yeux. ........................................... Ne me regarde point ; cache, cache tes yeux ; Mon sang en est brûlé ; tes regards sont des feux. Viens, viens. Quoique vivant, et dans ta fleur première, Je veux avec mes mains te fermer la paupière, Ou malgré tes efforts je prendrai ces cheveux Pour en faire un bandeau qui te cache les yeux. .............................................. (inachevé) MEDE Au sang de ses enfants, de vengeance égarée, Une mère plongea sa main dénaturée ; Et l'amour, l'amour seul avait conduit sa main. Mère, tu fus impie, et l'amour inhumain. Mère ! amour ! qui des deux eut plus de barbarie ? L'amour fut inhumain ; mère, tu fus impie. Plût aux dieux que la Thrace aux rameurs de Jason Eût fermé le Bosphore, orageuse prison ; Que, Minerve abjurant leur fatale entreprise, Pélion n'eût jamais, au bord du bel Amphryse, Vu le chêne, le pin, ses plus antiques fils, Former, lancer aux flots sous la main de Tiphys, Ce navire animé, fier conquérant du Phase, Qui sut ravir aux bois du menaçant Caucase L'or du bélier divin, présent de Néphélé, Téméraire nageur qui fit périr Hellé ! MNAIS Bergers, vous dont ici la chèvre vagabonde, La brebis se traînant sous sa laine féconde, Au front de la colline accompagnent les pas, A la jeune Mnaïs rendez, rendez, hélas ! Par Cybèle et Cérès et sa fille adorée, Une grâce légère, une grâce sacrée. Naguère auprès de vous elle avait son berceau, Et sa vingtième année a trouvé le tombeau. Que vos agneaux au moins viennent près de ma cendre Me bêler les accents de leur voix douce et tendre, Et paître au pied d'un roc où, d'un son enchanteur, La flûte parlera sous les doigts du pasteur. Qu'au retour du printemps, dépouillant la prairie, Des dons du villageois ma tombe soit fleurie ; Puis, d'une brebis mère et docile à sa main, En un vase d'argile il pressera le sein ; Et sera chaque jour d'un lait pur arrosée La pierre en ce tombeau sur mes mânes posée. Morts et vivants, il est encor pour nous unir Un commerce d'amour et de doux souvenir. NEERE Mais telle qu'à sa mort pour la dernière fois, Un beau cygne soupire, et de sa douce voix, De sa voix qui bientôt lui doit être ravie, Chante, avant de partir, ses adieux à la vie, Ainsi, les yeux remplis de langueur et de mort, Pâle, elle ouvrit sa bouche en un dernier effort : " Ô vous, du Sébéthus Naïades vagabondes, Coupez sur mon tombeau vos chevelures blondes. Adieu, mon Clinias ! moi, celle qui te plus, Moi, celle qui t'aimai, que tu ne verras plus. Ô cieux, ô terre, ô mer, prés, montagnes, rivages, Fleurs, bois mélodieux, vallons, grottes sauvages, Rappelez-lui souvent, rappelez-lui toujours Néère tout son bien, Néère ses amours ; Cette Néère, hélas ! qu'il nommait sa Néère, Qui pour lui criminelle abandonna sa mère ; Qui pour lui fugitive, errant de lieux en lieux, Aux regards des humains n'osa lever les yeux. Oh ! soit que l'astre pur des deux frères d'Hélène Calme sous ton vaisseau la vague ionienne ; Soit qu'aux bords de Paestum, sous ta soigneuse main, Les roses deux fois l'an couronnent ton jardin ; Au coucher du soleil, si ton âme attendrie Tombe en une muette et molle rêverie, Alors, mon Clinias, appelle, appelle-moi. Je viendrai, Clinias ; je volerai vers toi. Mon âme vagabonde à travers le feuillage Frémira ; sur les vents ou sur quelque nuage Tu la verras descendre, ou du sein de la mer, S'élevant comme un songe, étinceler dans l'air ; Et ma voix, toujours tendre et doucement plaintive, Caresser en fuyant ton oreille attentive. " PASIPHAE Tu gémis sur l'Ida, mourante, échevelée, Ô reine ! ô de Minos épouse désolée ! Heureuse si jamais, dans ses riches travaux, Cérès n'eût pour le joug élevé des troupeaux ! Tu voles épier sous quelle yeuse obscure, Tranquille, il ruminait son antique pâture ; Quel lit de fleurs reçut ses membres nonchalants Quelle onde a ranimé l'albâtre de ses flancs. Ô nymphes, entourez, fermez, nymphes de Crète, De ces vallons fermez, entourez la retraite. Oh ! craignez que vers lui des vestiges épars Ne viennent à guider ses pas et ses regards. Insensée, à travers ronces, forêts, montagnes, Elle court. Ô fureur ! dans les vertes campagnes, Une belle génisse à son superbe amant Adressait devant elle un doux mugissement. La perfide mourra ; Jupiter la demande. Elle-même à son front attache la guirlande, L'entraine, et sur l'autel prenant le fer vengeur : " Sois belle maintenant, et plais à mon vainqueur. " Elle frappe. Et sa haine, à la flamme lustrale, Rit de voir palpiter le coeur de sa rivale. SUR UN GROUPE DE jUPITER ET D'EUROPES Étranger, ce taureau qu'au sein des mers profondes D'un pied léger et sûr tu vois fendre les ondes, Est le seul que jamais Amphitrite ait porté. Il nage aux bords crétois. Une jeune beauté Dont le vent fait voler l'écharpe obéissante Sur ses flancs est assise, et d'une main tremblante Tient sa corne d'ivoire, et, les pleurs dans les yeux, Appelle ses parents, ses compagnes, ses jeux ; Et, redoutant la vague et ses assauts humides, Retire et veut sous soi cacher ses pieds timides. L'art a rendu l'airain fluide et frémissant. On croit le voir flotter. Ce nageur mugissant, Ce taureau, c'est un dieu, c'est Jupiter lui-même. Dans ces traits déguisés, du monarque suprême Tu reconnais encore et la foudre et les traits. Sidon l'a vu descendre au bord de ses guérets, Sous ce front emprunté couvrant ses artifices, Brillant objet des voeux de toutes les génisses. La vierge tyrienne, Europe, son amour, Imprudente, le flatte : il la flatte à son tour ; Et, se fiant à lui, la belle désirée Ose asseoir sur son flanc cette charge adorée. Il s'élance dans l'onde ; et le divin nageur, Le taureau, roi des dieux, l'humide ravisseur, A déjà passé Chypre et ses rives fertiles ; Il approche de Crète, et va voir les cent villes. TOUJOURS CE SOUVENIR. . . Toujours ce souvenir m'attendrit et me touche, Quand lui-même, appliquant la flûte sur ma bouche, Riant et m'asseyant sur lui, près de son coeur, M'appelait son rival et déjà son vainqueur. Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre A souffler une haleine harmonieuse et pure ; Et ses savantes mains prenaient mes jeunes doigts, Les levaient, les baissaient, recommençaient vingt fois, Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore, A fermer tour à tour les trous du buis sonore. VOILA CE QUE CHANTAIT. . . Voilà ce que chantait aux Naïades prochaines Ma Muse jeune et fraîche, amante des fontaines, Assise au fond d'un antre aux nymphes consacré, D'acanthe et d'aubépine et de lierre entouré. L'Amour, qui l'écoutait caché dans le feuillage, Sortit, la salua Sirène du bocage. Ses blonds cheveux flottants par lui furent pressés D'hyacinthe et de myrte en couronne tressés : " Car ta voix, lui dit-il, est douce à mon oreille, " Autant que le cytise à la mielleuse abeille. " Source: http://www.poesies.net