Politique Documents généraux. Par François-René De Chateaubriand (1768-1848) Extrait des instructions envoyées au ministère de la police J'ai marqué de deux numéros ces Pièces justificatives: le premier est le numéro d'ordre de l'impression, le second est le numéro d'ordre des manuscrits. Je ne publie que les Documents généraux: ce sont des pièces déjà imprimées, ou des pétitions, ou des lettres de protestation, adressées à divers ministres: je ne donne pas même tous ces documents: il m'en reste en manuscrit un assez grand nombre notamment sur les départements de la Corrèze, des Basses-Alpes, de l'Aude, de la Côte-d'Or, de l'Ain, de la Nièvre, du Pas-de-Calais et de Seine- et-Marne. Quant à la correspondance privée et aux renseignements particuliers, je les supprime. Si ma proposition eût été prise en considération, j'aurais confié à la prudence de MM. les pairs ces renseignements particuliers; mais la proposition ayant été écartée je dois retrancher, par des raisons faciles à comprendre, des détails trop personnels. Au reste, les originaux de ces pièces sont déposés chez un notaire. On pourra les consulter, mais seulement en ma présence, ou en vertu d'une autorisation écrite de ma main. Toutefois, on n'en pourra prendre ni notes ni copies. ( Note de l'auteur, note de la brochure publiée en 1816). N o 1 (6). Paris, le 12 Septembre 1816. Sous le rapport de la convocation, point d'exclusions odieuses, point d'applications illégales des dispositions de la haute police pour écarter ceux qui sont légalement appelés à voter; surveillance active, mais liberté entière; point d'extension arbitraire aux adjonctions autorisées par l'ordonnance, et de nature à détruire l'effet d'une précaution dictée par une sage prévoyance. Sous celui des élections, ce que le roi veut, ses mandataires doivent le vouloir. Il n'y a point deux sortes d'intérêts dans l'Etat; et pour faire disparaître jusqu'à l'ombre des partis, qui ne sauraient subsister sans menacer son existence, il ne faut que des députés dont les intentions soient de marcher d'accord avec le roi, avec la Charte, avec la nation, dont les destinées reposent en quelque sorte entre leurs mains. Les députés qui se sont constamment écartés de ces principes tutélaires ne sauraient donc être désignés par l'autorité locale, se prévaloir de son influence, obtenir une faveur qui tournerait au détriment de la chose publique. Point de grâce pour la malveillance qui se déclarerait par des actes ostensibles, qui afficherait de coupables espérances, qui croirait trouver dans un grand acte de politique et de justice une occasion favorable de trouble et de désordre. La loi du 29 octobre reste dans toute sa vigueur; mais ce n'est point pour en abuser, c'est pour s'en servir à propos avec connaissance de cause, et en rendant un compte exact de leurs opérations, que le soin d'en appliquer les dispositions a été confié à des administrateurs éclairés. Ils s'opposeront à la publication de ces correspondances empressées, et toujours marquées au coin de l'exagération, que les membres des sociétés secrètes sont en possession de faire parvenir sous le manteau du royalisme. Dans l'ordonnance du roi ils ne verront que sa volonté, les besoins de l'Etat et la Charte. Dans leurs incertitudes, ils s'adresseront aux ministres. A des demandes exprimées avec franchise ils recevront des réponses non moins franches: des directions étrangères ne pourraient que les égarer. Leur tâche est importante, mais elle est facile, parce qu'elle est clairement indiquée et qu'ils sont assurés de l'appui d'un ministre surveillant et fort de la volonté du roi et de sa confiance. Celle que Sa Majesté a placée dans les préfets ne sera point trompée dans cette circonstance. Elle attend d'eux qu'ils dirigent tous leurs efforts pour éloigner des élections les ennemis du trône et de la légitimité, qui voudraient renverser l'un et écarter l'autre; et les amis insensés qui l'ébranleraient en voulant le servir autrement que le roi ne veut l'être, qui, dans leur aveuglement, osent dicter des lois à sa sagesse, et prétendent gouverner pour lui. Le roi ne veut aucune exagération. Il attend des choix des collèges électoraux des députés qui apportent à la nouvelle chambre les principes de modération qui sont la règle de son gouvernement et de sa politique, qui n'appartiennent à aucun parti, à aucune société secrète, qui n'écoutent d'autres intérêts que ceux de l'Etat et du trône, qui n'apportent aucune arrière-pensée, et respectent avec franchise la Charte, comme ils aiment le roi avec amour. Le ministre d'Etat au département de la police générale, Signé: le comte Decazes [A Toulouse,de l'imprimerie de Douladoure. (N.d.A.)]. Ministère de la police générale N o 2 (88). M. l'inspecteur général se rendra dans les départements ci-contre. Dans chacun d'eux il s'adressera directement à M. le préfet; il fera connaître à ce magistrat que l'objet confidentiel de sa mission est de lui exprimer toute la pensée du gouvernement, qu'il convient de suivre et d'imprimer relativement à la convocation des collèges électoraux. Sous le rapport de la convocation, etc., etc. (Le reste, mot pour mot, conforme au N o 1, à l'exception du paragraphe suivant qui ne se trouve pas dans le N o 1.) Sa Majesté m'a spécialement chargé de faire connaître à MM. les préfets qu'elle suivra avec intérêt leurs efforts dans cette circonstance si importante, et qu'elle y cherchera la preuve la moins équivoque pour elle de leur dévouement et de leur fidélité. Le ministre de la police générale, Signé: Le comte Decazes [Copie authentique, venue du département de Seine-et- Oise. (N.d.A.)]. N o 3 (13, 50). (Cabinet du Directeur Général.) Administration de l'enregistrement et des domaines. Paris, le 20 septembre 1816. Le ministre secrétaire d'Etat des finances me fait remettre, monsieur, les copies, ci-après transcrites, de la lettre et de la note, concernant les prochaines élections, qu'il vient d'adresser aux agents des finances. Son excellence désire que la connaissance de ces deux pièces parvienne aussitôt aux principaux préposés de l'administration dans les départements. Je ne perds pas un instant pour vous les transmettre: je ne doute point d'un empressement égal de votre part à seconder les intentions tutélaires du roi. Copie de la lettre du ministre des finances aux divers agents de son ministère, sous la date du 18 septembre Suite du N o 3. Je joins ici, monsieur, un extrait d'instructions approuvées par le roi, tendantes à donner aux électeurs une direction qui n'amène à la chambre des députés que des hommes qui allient au même degré l'amour de la légitimité et l'amour de la Charte. Elles sont l'appui l'une de l'autre; ce sont deux éléments inséparables. Vous donnerez connaissance de ces principes professés par le roi aux personnes qui seront dans le cas d'en faire un usage profitable, et si vous êtes appelé aux fonctions d'électeur, ils vous apprendront les devoirs que vous aurez à remplir. La propagation de cette doctrine est la preuve la plus pure d'attachement qu'on puisse donner au roi et à la patrie. Je vous salue avec un bien sincère attachement, Signé: Le comte Corvetto. Pour ampliation: Le secrétaire général des finances, Signé Lefèvre. Copie de la Note jointe à la lettre ci-dessus. (Extrait d'instructions sur les élections) Sous le rapport des élections, ce que le roi veut, ses mandataires doivent le vouloir. Il ne faut que des députés dont les intentions soient de marcher d'accord avec le roi, avec la Charte et avec la nation, dont les destinées reposent en quelque sorte entre leurs mains. Les individus qui ne professent pas ces principes tutélaires ne sauraient donc être désignés par l'autorité locale. Point de grâce pour la malveillance, qui ne décèlerait pas de coupables espérances, qui croirait trouver dans un grand acte de justice et de politique une occasion favorable de troubles et de désordres. S'opposer à la publication de ces correspondances empressées, et toujours marquées au coin de l'exagération, que les membres des sociétés secrètes sont en possession de faire parvenir sous le manteau du royalisme. Dans l'ordonnance du roi il ne faut voir que sa volonté, les besoins de l'Etat et la Charte. " Eloigner des élections les ennemis du trône et de la légitimité qui voudraient renverser l'un et écarter l'autre, et les amis insensés qui l'ébranleraient en voulant le servir autrement que le roi ne veut l'être, qui, dans leur aveuglement, osent dicter des règles à sa sagesse et prétendent gouverner pour lui. Le roi ne veut aucune exagération, et attend des choix des collèges électoraux des députés qui apportent à la nouvelle chambre les principes de modération qui font les règles de son gouvernement et de sa politique, qui n'appartiennent à aucun parti, à aucune société secrète, qui n'écoutent d'autres intérêts que ceux de l'Etat et du trône, qui n'apportent aucune arrière-pensée, qui respectent la Charte avec franchise, comme ils aiment le roi avec amour. " Veuillez m'accuser la réception de la présente aussitôt qu'elle vous parviendra. Recevez, monsieur, l'assurance de ma parfaite considération, Le conseiller d'Etat, directeur général, Barrairon. Suite du N o 3. (N o 527 des dossiers. N o 48 des circulaires.) Beauvais, le 23 septembre 1816. Vous avez ci-dessus, monsieur, ampliation de la lettre que M. Barrairon, conseiller d'Etat, directeur général de l'administration, m'a adressée le 20 de ce mois, en me transmettant la lettre de S. Exc. le ministre secrétaire d'Etat des finances, du 18 du même mois, et 1'extrait d'instructions approuvées par le roi, pour les élections. Je vous adresse également ampliation de ces pièces; leur lecture vous apprendra de quelle manière le roi désire que la chambre des députés soit composée. J'ajouterai que l'intention du roi et des ministres est que tous les fonctionnaires publics contribuent de tous leurs moyens à ce qu'il soit fait de bons choix. Je suis convaincu qu'ils useront de toute leur influence pour parvenir à ce but si désirable, et je crois inutile de prévenir MM. les employés que si un fonctionnaire public s'écartait à cet égard de la ligne de ses devoirs, il perdrait sans retour la confiance du gouvernement. Le directeur de l'enregistrement et des domaines, Langlumé [Toutes ces Pièces renfermées sous le N o 3 n'en forment qu'une dans leur ensemble, et sont, par cette raison, imprimées ensemble dans l'original. (N.d.A.)]. Lettre du marquis de Clermont Mont-Saint-Jean, à M. T... N o 5 (67). Herné, le 6 novembre 1816. Mon très cher et respectable ami, Vous m'avez demandé un exemplaire de l'écrit injurieux pour les députés de la chambre de 1815 répandu avec profusion dans ce département au moment des élections pour la session de 1816. Je m'empresse de vous le faire parvenir ci- joint, ainsi que copie de la plainte que j'en ai rendue à S. Exc. Mgr le chancelier et à M. le procureur général, auquel j'ai postérieurement fait connaître que cet écrit a été adressé à MM. les électeurs dans les paquets de la correspondance administrative, remis à domicile dans les villes par leurs employés, les noms mis au-dessus à la main, et les adresses de l'écriture des employés de leurs bureaux; renseignements que, par une seconde lettre, sous la date du..., j'ai aussi donnés à M. le procureur général. Enfin, je joins encore ici copie d'une lettre écrite par M. C... à M.... relative à moi nominativement. Le même M. C... en a encore de plus fortes dont je n'ai pas encore pu me procurer copie. Recevez l'assurance, etc. (J'observe que je n'ai pas la lettre de M. C... à M. P... en original, mais je l'ai copiée moi-même. Il en existe une autre de M. D... plus forte encore; j'espère en avoir au moins copie.) Copie de la plainte portée par M. le marquis de Clermont Mont-Saint-Jean, membre de la chambre des députés de 1815, à S. Em. Mgr le chancelier et à M. le procureur général, relativement à l'écrit intitulé: A MM. les électeurs du département de Seine-et-Marne, par un habitant du département; et autres menées des autorités administratives pour exclure différentes personnes des élections, et notamment M. de Clermont. Comme fidèle serviteur du roi, membre de la dernière chambre des députés français, et même comme simple individu, il est de mon devoir de faire connaître ce qui se passe ici: et de rendre plainte contre l'écrit séditieux ci-joint, portant le nom de Michelin, imprimeur de la préfecture à Melun dans lequel se trouve cette phrase, " Le roi a senti qu'une chambre qui voulait attenter au pacte de famille n'avait point rempli le voeu de ses commettants: il en a ordonné la dissolution. " Cette phrase est injurieuse pour le roi, pour tous les membres de la dernière chambre des députés, qu'elle calomnie et qu'elle signale comme des traîtres et des parjures à la vindicte publique. Il n'y a rien de semblable dans l'ordonnance du roi du 5 septembre dernier et ce n'est point ainsi qu'on doit employer le nom du roi, pour répandre des calomnies sur une chambre que Sa Majesté a qualifiée d'introuvable. Quant à ce qui se passe relativement aux élections, M. le préfet a évidemment violé et la Charte et la liberté qu'elle assure. Il a ordonné aux sous-préfets de faire nommer pour candidats dans les collèges d'arrondissement tels et tels, d'employer toute leur influence pour empêcher qu'on ne présente comme candidats messieurs tels et tels comme trop royalistes, et notamment moi. M. le préfet a mandé chez lui des employés du gouvernement électeurs notamment M. Le Blanc, receveur des domaines à Provins, auquel il a intimé les mêmes ordres, en se servant du nom du roi et de celui de ses ministres, le menaçant de perdre sa place si j'étais nommé. M. Barrairon a écrit dans le même sens. Ces faits sont publics, ils irritent tous les esprits, et cela au moment où va s'ouvrir la session du collège électoral à Melun. M. le préfet a déjà indiqué les députés qu'il veut qu'on nomme. De tels moyens ne sont ni constitutionnels ni conformes aux voeux et aux intérêts du roi: ils mettent la couronne en danger. Attaqué personnellement par une violation manifeste de la Charte, j'aurais droit de poursuivre juridiquement cet outrage fait à la liberté concédée. Je renonce à tout ce qui m'est personnel: que la légitimité n'éprouve point atteinte, que l'Etat soit heureux et tranquille, mes voeux seront accomplis. Mais quant à 1'imprimé contre lequel je rends plainte, il crie vengeance et demande justice. Je suis, etc. Signé: Le marquis de Clermont Mont-Saint-Jean. Ecrit dénoncé dans la lettre précédente N o 6. Aux électeurs du département de Seine-et-Marne. Les lois d'un peuple sont rarement applicables à un autre; de même les institutions d'un siècle peuvent ne pas entièrement convenir au siècle qui le suit. On demanda à Solon si les lois qu'il avait données aux Athéniens étaient les meilleures. " Je leur ai donné, répondit-il, les meilleures de celles qu'ils pouvaient souffrir. " Parole admirable, et qui a été la règle du Solon de la France. La Charte que le roi nous a donnée n'est pas seulement l'expression de la volonté souveraine, elle est celle de nos besoins et de nos veux. Elle consacre à la fois le principe de la monarchie et celui d'une sage liberté. Elle est la conclusion des dissensions qui depuis vingt-cinq ans ont agité notre patrie; elle nous préserve pour toujours des fléaux qui n'ont cessé de signaler l'époque désastreuse de notre révolution, l'anarchie et le despotisme. Ce ne serait pas en vain que l'esprit de parti chercherait à révoquer en doute le mérite d'un pareil bienfait; il reçoit son prix et de la main dont il sort et des droits qu'il établit. Ouvrage de la légitimité, il a le caractère de la durée comme les préceptes divins. Dicté par la modération, dans le but de la tranquillité, on ne saurait le changer ou l'altérer sans sortir de la modération et de la tranquillité. Ce qu'un peuple a obtenu en ce genre devient sa propriété irrévocable, et la volonté générale y adhère si fortement, que ce n'est point sans de violentes secousses et de cruels déchirements que l'on parviendrait à l'en dessaisir. Le roi, dont toutes les actions tendent a l'utilité publique, et qui par conséquent est l'organe et l'arbitre de la volonté générale, a senti qu'une chambre qui avait voulu attenter au pacte de famille n'avait point rempli le voeu de ses commettants: il en a ordonné la dissolution et a convoqué de nouveaux députés. Cet acte important a raffermi sur sa base la Charte constitutionnelle, ébranlée par quelques atteintes, et consacré le grand principe de l'inviolabilité de la loi fondamentale. Bien plus, il nous assure cette paix intérieure que nous ne pouvons obtenir que dans le calme des passions et qu'à force de sagesse. Les collèges électoraux vont s'assembler pour remplir la plus importante des missions. Dans une circonstance aussi solennelle, le premier devoir d'un électeur doit être de réfléchir sur la nature de ses fonctions. Un électeur, comme un député, est un fondé de pouvoirs. Ainsi, il doit apporter dans l'assemblée dont il fait partie une connaissance approfondie des veux de ses concitoyens. Il doit ne consulter que sa conscience; mais sa conscience ne sera véritablement éclairée que quand il aura étudié l'esprit public. Qu'il fasse abnégation de tout intérêt personnel, et dût-il, comme Aristide le Juste, graver sur la coquille du paysan son propre ostracisme, il aura fait son devoir s'il a exprimé la volonté de ses commettants. Le roi lui-même n'a-t-il pas donné l'exemple de cette sublime renonciation, en se dépouillant d'une portion de son autorité pour en agrandir le domaine de nos privilèges? Et quel audacieux voudrait se prétendre plus sage et plus juste que le roi? Et si ce prince s'est conduit ainsi, c'est parce qu'il a appelé l'expérience au secours de la théorie des lois. Nos voeux sont de jouir des institutions libérales de la Charte; nos besoins sont la modération et la tranquillité. Les passions sont de mauvais conseillers, nous en avons fait la triste expérience; il faut qu'elles s'éteignent, et que la raison, l'amour du bien public, l'oubli des dissensions et des erreurs, soient désormais les vertus de ceux que nous associerons au gouvernement. Le Roi et la Charte, ces deux noms renferment tout ce que veulent les Français. Le roi présente ce que la légitimité a de plus imposant, tout ce que le bienfait a de plus sacré; la Charte est inséparable de lui, parce qu'elle est le lien qui unit le roi et son peuple: vouloir séparer l'un de l'autre, c'est vouloir annuler le plus saint des contrats, bannir la bonne foi de la terre, isoler le père de ses enfants. Ainsi un électeur doit faire tous ses efforts pour arriver à l'assemblée exempt de passions et de préjugés: son opinion se sera formée d'avance de l'opinion des hommes sages et éclairés de toutes les classes. S'il appartient à l'une d'elles, il sortira de sa sphère pour connaître le voeu des autres, parce que la représentation législative n'est pas celle d'une corporation ou d'une classe en particulier, mais bien l'expression de la volonté générale, et que le plus grand écueil que nous ayons rencontré dans nos assemblées délibérantes a été l'esprit de corps et de parti. C'est après cette étude réfléchie que celui qui est appelé par ses concitoyens à donner son suffrage saura distinguer les hommes dignes de siéger dans l'assemblée de nos députés. Déjà la voix publique les désigne en même temps qu'elle fait connaître ceux qui sont jugés inhabiles à remplir d'aussi importantes fonctions. Ainsi l'anarchiste, qui pendant nos discordes civiles a appelé la proscription sur la tête de ses concitoyens; celui qui dans les assemblées tumultueuses qui se sont succédé s'est fait remarquer par l'exagération de ses opinions et de ses discours, et s'est montré l'ennemi du roi et le partisan de la démagogie, n'est pas celui sur lequel doivent se réunir les suffrages. Celui qui veut la constitution sans le roi, qui rêve encore la république, ou dont les veux impies appellent un usurpateur, quel qu'il soit, et que rien n'a pu guérir de cette maladie anarchique, ne saurait être encore le député que nous cherchons. Ne serait-ce pas une sorte d'opposition aux volontés du roi que de donner sa voix à celui qui veut le roi sans la Charte, le rétablissement de privilèges détruits et oubliés, l'anéantissement des institutions libérales, qui aspire à reculer l'opinion d'un demi-siècle, à replacer la France sous un ordre de choses dont les éléments n'existent plus? Le fonctionnaire qui a abusé de son autorité pour rendre suspects au gouvernement des habitants paisibles, qui n'a pardonné ni à l'erreur ni à la faiblesse, qui s'est érigé en persécuteur, et ne s'est cru envoyé que pour être un ministre de vengeances, celui-là n'est point digne de siéger dans l'assemblée de nos représentants. Celui qui, se disant l'ami du roi, condamne la modération et la traite de malveillance, qui frappe d'anathème toute une province où les habitants obéissent aux lois, payent les impôts, cultivent paisiblement leurs champs, et adorent dans le fond de leur coeur les vertus d'un roi juste et bienfaisant, auquel ils doivent leur repos; qui se tourmente et s'agite pour trouver d'invisibles ennemis, qui jette la méfiance et le soupçon sur les magistrats les plus fidèles; celui-là, dis je, n'aura point la vois d'un ami du roi et de la Charte. L'ambitieux, quelle que soit sa conduite passée, quelles que soient ses opinions, qui n'aspire à siéger dans la chambre des députés que par des vues d'intérêt personnel, qui ne voit dans cette dignité qu'un moyen de parvenir à de plus hautes fonctions et serait disposé à trahir les intérêts de ses commettants et à vendre ses opinions à l'intrigue doit être écarté d'un poste où l'amour du bien public doit être le seul guide. Un député doit vouloir la légitimité et la Charte, être exempt de passions, avoir un grand dévouement à la chose publique, et n'être imbu ni des erreurs révolutionnaires ni des préjugés anticonstitutionnels. Il faut qu'il ait un coeur droit, un esprit juste, un amour ardent pour le bien de l'Etat, et qu'il sacrifie, au besoin, ses propres intérêts à la prospérité publique. Si à ces qualités essentielles il joint l'expérience des affaires et des talents distingués, il apportera dans les grandes discussions d'importantes lumières. Mais le dévouement au roi, le bon sens et la modération doivent passer avant tout; car les talents sans la vertu ne sont souvent que des poisons. Ils existent parmi nous, ces hommes dignes de confiance et d'estime, et j'oserais les nommer en toute autre circonstance. Dans celle qui nous occupe, il est permis à tout ami de son pays d'exercer sur ses concitoyens une influence morale, de faire un appel à la concorde, de proclamer des vérités utiles au bonheur de tous; mais la brigue doit être écartée de nos comices; l'honnête homme n'a pas besoin de tels moyens, et la corruption des voix ne peut produire que le choix d'hommes corrompus. Le magistrat qui a vieilli irréprochable dans de pénibles travaux, l'administrateur éclairé qui est resté fidèle au roi, à ses devoirs et aux règles de la modération, le propriétaire dont les intérêts sont si étroitement liés à ceux de l'ordre public, le commerçant qui vivifie les canaux de l'industrie et a fait un honorable usage de sa fortune; celui qui, comptant d'illustres aïeux, et portant un nom recommandable, a cependant suivi la marche de son siècle, et soumis à 1'empire de la raison et de la justice ses affections héréditaires, sont également dignes de nos suffrages. C'est dans le but du maintien de la légitimité et de la Charte que la représentation doit être formée, et la légitimité et la Charte ne peuvent être respectées et maintenues que par des hommes éloignés des excès opposés, et capables d'apporter dans la discussion le calme et l'impartialité qu'exigent les intérêts de la France. Aucune classe n'est exclue de cet honneur, ou plutôt toutes les classes de la société ne doivent former qu'une seule et même famille, ayant un but et des droits communs. Electeurs! le bonheur de notre pays est en vos mains; du choix que vous allez faire dépendront notre prospérité, notre repos et notre avenir. Est-il un sujet plus imposant de méditations? Quels regrets si vos délégués ne répondaient point dignement à votre attente! Quelle responsabilité vous auriez à encourir à l'égard de vos concitoyens si leur espoir et leurs voeux étaient déçus! Mais vous entendrez la voix de la patrie, qui vous adresse ces paroles, désormais le ralliement des Français: Le Roi et la Charte, modération et justice; et ces mêmes paroles seront le mandat que vous donnerez à vos délégués. Un habitant du département [A Melun, chez Michelin, imprimeur de la préfecture. (N.d.A.)]. Préfecture du Pas-de-Calais. - Collèges électoraux N o 4 (49). Arras, le 27 septembre 1816. Votre qualité d'électeur est un titre bien important dans un moment où les collèges tiennent dans leurs mains les destinées de la France. Veuillez, monsieur, réfléchir à l'esprit qui a dicté l'ordonnance du 5 septembre. Le roi a-t-il dissous la chambre pour la recomposer entièrement des mêmes éléments? Non, sans doute. Je suis autorisé à le dire, à le répéter, à l'écrire, le roi verra avec mécontentement siéger dans la nouvelle chambre ceux des députés qui se sont signalés dans la dernière session par un attachement prononcé à la majorité opposée au gouvernement. A votre arrivée à Arras, monsieur, faites-moi l'honneur de venir chez moi, moi seul puis vous faire connaître la pensée du roi, ses véritables intentions. Ne négligez pas surtout de vous rendre à un devoir aussi sacré que celui de venir voter; le roi, la Charte, la France, le réclament. J'ai l'honneur, etc. Signé: Malouet. Copie de la lettre de M. de Forbin aux ministres de l'intérieur, de la police et de la justice N o 7 (64). Avignon, le 25 septembre 1816. Monseigneur, J'ai l'honneur d'informer votre excellence d'un fait qui, bien qu'il me soit personnel, peut acquérir quelque gravité par les circonstances où nous nous trouvons, et par la forme actuelle de notre gouvernement. Depuis quelques jours un bruit sourd s'était répandu à Avignon et dans tout le département de Vaucluse, que le préfet, nouvellement arrivé de Paris, avait apporté des ordres et des instructions pour les électeurs; que ces ordres portaient des exclusions nominatives et des demandes formelles. Un grand nombre de personnes dignes de foi assuraient que le préfet leur avait communiqué ces ordres, qu'il leur avait dit en termes formels d'écarter des élections M. de Forbin, et de faire nommer M. de Liautaud. Plusieurs fonctionnaires publics avaient été fortement menacés par M. le préfet s'ils donnaient leurs voix dans un sens contraire. On parlait de lettres adressées aux présidents des collèges d'arrondissement, qui contenaient ces instructions d'une exclusion formelle; on parlait de lettres pareilles adressées par les sous-préfets aux maires de leurs arrondissements; on colportait des copies de lettres, des originaux même; la surprise était grande, la mesure paraissait nouvelle. Sujet soumis et dévoué, prêt à obéir au nom du roi au premier ordre, je ne pouvais croire à de pareilles assertions. D'un côté, je considérais et les lois fondamentales du royaume, et les instructions générales et particulières que j'avais reçues en pareilles circonstances; je repassais dans ma mémoire ce que j'avais vu dans d'autres temps; tout m'obligeait à repousser une pareille idée; d'un autre côté, je pensais que, quelles que fussent les intentions de Sa Majesté, elle me les aurait fait connaître par mes chefs ordinaires, et un seul mot aurait suffi. Le préfet, me disais-je, s'il en eût reçu l'ordre, se serait empressé de me le dire à moi même d'une manière officielle: il l'écrit à d'autres, pourquoi ne pas l'écrire à moi-même? Il me semblait que 1'auguste nom du roi était compromis dans le public: tout enfin s'accordait et me forçait à douter, malgré l'évidence de ces manoeuvres et de ces assertions; mais j'ai appris d'une manière positive que M. Desjardins, secrétaire particulier de M. le préfet, s'est transporté, hier 24, veille des élections d'arrondissement, dans la ville de Cavaillon. Là, dans la mairie, en présence du maire, il a fait convoquer les électeurs d'arrondissement, et leur a lu publiquement une lettre de M. le préfet, dans laquelle il leur annonça qu'il avait ordre d'éloigner des élections M. de Forbin, et qu'il désirait la nomination de M. de Liautaud; la publicité d'une pareille démarche, le nom auguste qui y était invoqué, a frappé les esprits d'étonnement; il s'en est suivi une explication assez vive de la part d'un électeur avec M. Desjardins, qui a révoqué en doute une pareille assertion: le secrétaire a insisté, et l'on s'est retiré. La même opération a eu lieu de la part de la même personne dans plusieurs communes du département. Les lettres du préfet, celles du sous-préfet de Carpentras, ses menaces publiques, ses violences circulent dans toutes les mains, dans toutes les bouches, font l'objet de toutes les conversations; et j'ai acquis les preuves les plus légales et les plus complètes à ce sujet. Ici doit se terminer, monseigneur, le récit des faits qui viennent de se passer dans le département de Vaucluse, et comme sujet, comme citoyen, je dois m'abstenir de toutes réflexions; j'ignore jusqu'à quel point peuvent s'étendre les droits et l'autorité d'un préfet, concernant l'influence sur les élections, l'exclusion des droits civils envers un citoyen, etc., etc. Je laisse à la profonde sagesse de votre excellence, à sa justice et à son respect pour les lois de peser les faits ci-dessus, leur gravité et leurs conséquences. J'ai l'honneur d'être avec respect, etc. De Forbin. Mémoire sur les élections du département du Lot, à la Chambre des députés N o 8 (59). Les élections du Lot ont présenté un résultat si peu avantageux, qu'il devient nécessaire, pour l'honneur de ce département, de prouver au roi, à la famille royale, à la chambre des pairs, à celle des députés et à la France entière que les habitants de cette province sont éminemment royalistes. Les électeurs soussignés réclament contre les violences, les séductions et les menaces qui ont été employées, soit dans les collèges d'arrondissement soit dans celui du département, par les autorités civiles et judiciaires. Le préfet du Lot a toujours protégé, depuis son arrivée dans ce département les hommes coupables. L'influence révolutionnaire y régit tout depuis vingt-cinq ans, et presque aucune épuration n'y a été faite. Les sous-préfets, devenus ses agents, professent les mêmes principes; presque tous les membres des trois tribunaux, dont deux n'ont pas encore reçu l'institution royale, à cause de leur félonie dans les Cent Jours, n'ont connu que la volonté de cet administrateur et leur ambition particulière. Dans le mois d'août, M. de Lezay-Marnésia fit une tournée dans son département; il caressa avec affectation tous les intérêts révolutionnaires; il fut reçu avec allégresse par les ennemis du roi, et surtout dans les villes de Gourdon et Souillac. Dans celle de Saint-Ceré, ils lui élevèrent un arc de triomphe avec une couronne tricolore, en proclamant que c'était un des leurs. La preuve de ce fait existe dans un procès en police correctionnelle devant le tribunal de Figeac, intenté par les soins et la fidélité du commandant de la garde nationale de Saint-Ceré. C'est dans cette situation que l'ordonnance du 5 septembre a trouvé le département du Lot, et c'est sous ces malheureux auspices que les collèges électoraux ont été convoqués. Aussitôt des libelles diffamatoires contre la chambre des députés ont été abondamment distribués, entre autres un extrait du Journal général, des lettres du préfet aux électeurs et aux maires, des propos révolutionnaires, ont été propagés par les autorités civiles et judiciaires. Le sous-préfet de Figeac et le procureur du roi mandent chez eux les électeurs; ils emploient les menaces et les séductions; ils osent dire que les députés veulent faire revenir les dîmes et les droits féodaux, que le roi n'en veut plus; et, dans leur délire révolutionnaire, ils proscrivent les nobles, et offrent en contradiction M. le comte de Lezay-Marnésia pour candidat. Les preuves sont authentiques, et seront fournies en cas de déni. A Figeac, des moyens aussi vils que méprisables ne procurent aucun résultat. Deux députés sont nommés candidats, avec deux propriétaires. A Gourdon, les intrigues réussissent; aucun député n'est nommé. A leurs places figurent le préfet, M. Barrairon, directeur général des domaines; Verninac, ex- ambassadeur, gendre d'un régicide, et Calmon, administrateur des domaines. A Cahors, même résultat, et des candidats nouveaux. En 1815, le préfet provisoire, d'après des instructions ministérielles, et en vertu d'une ordonnance royale, avait adjoint au collège de département quarante électeurs, dont vingt pour remplir le nombre désigné par l'ordonnance, et vingt pour compléter le collège, en raison de décès. Le préfet, pour réduire les adjonctions faites au nombre indiqué par l'ordonnance, a éliminé à son choix, sans suivre aucune trace certaine, les individus qui lui ont paru suspects. Il a retranché les plus forts propriétaires, les chevaliers de Saint-Louis, sans établir aucune proportion entre les arrondissements; et il a conservé les hommes dont il croyait plus aisément pouvoir disposer, ou dont il a présumé l'absence. Les noms des adjoints conservés et éliminés ne furent point connus ni proclamés, et plusieurs de ces derniers arrivèrent à Cahors pour voter, et n'apprirent que là leur élimination. Toutes les manoeuvres employés dans les arrondissements furent renouvelées au chef-lieu. On ajouta aux pamphlets une prétendue lettre des ministres, qui au nom du roi désignait nominativement deux députés comme indignes d'être élus. Le chef d'escadron de la gendarmerie, homme aussi fidèle que surveillant, fut envoyé, par ordre du préfet et du général, le jour même des élections, à Figeac, pour se concerter avec le maire, le procureur du roi et le sous-préfet; et ces trois fonctionnaires étaient à Cahors depuis deux jours à la connaissance du préfet. Il lui fut enjoint de faire arrêter un homme qui était enfermé depuis six mois, et de poursuivre d'autres individus, contre lesquels le procureur du roi n'avait jamais voulu décerner le mandat d'amener, comme n'existant pas de prouves suffisantes. S. Exc. le ministre de la guerre peut éclaircir les faits, en communiquant les rapports du chef d'escadron. Il est à observer que le colonel de la gendarmerie était à cette époque consigné aux arrêts, et le lieutenant en congé. Le grand vicaire, chargé de l'administration du diocèse, l'évêque absent, fut mandé par le préfet, qui blâma sévèrement sa conduite et celle de quelques ecclésiastiques qui étaient à Cahors, disait cet administrateur, pour intriguer. Dans le même instant la ville de Cahors était encombrée par les agents du préfet, par les sous-préfets, par tous les employés des domaines du département, et par plusieurs autres des départements de Lot-et-Garonne et de Tarn-et- Garonne. Un juge de paix fut menacé de perdre sa place s'il votait pour les députés. On offrit des emplois, soit dans les gardes nationales, soit ailleurs, pour des votes pour le préfet. On promit la réintégration d'un homme destitué, pour un vote. Le premier scrutin ouvert (parmi les candidats) présenta 91 votants pour un ex- député; 86 pour M. Barrairon; 85 pour le préfet, et 78 pour un autre député. M. Lapergue se présenta, dans ce scrutin, pour un électeur du même nom, et signa sous le N o 130. M. Rossignol avait voté de même pour la formation du bureau. Au second scrutin formé le lendemain, MM. le préfet et Barrairon furent proclamés députés. Au troisième scrutin, un ex-député eut le plus grand nombre de voix. Au quatrième scrutin, M. Moizen fut proclamé député. On suspendit alors la séance pendant deux heures, pour mieux combiner les projets. Il restait un ballottage entre un ex-député et un candidat. Les apparences étaient en faveur du député. Les chefs du parti mirent deux bulletins de plus dans la boite, et le scrutin fut déclaré nul. La séance, quoiqu'il ne fût que trois heures et demie, fut renvoyée au lendemain, malgré les réclamations de quelques électeurs. Plusieurs d'entre eux, croyant l'opération finie, s'étaient retirés dans leurs foyers avant l'ouverture du scrutin. Le lendemain, la tactique changea: ne pouvant empêcher la nomination d'un ex- député, on donna l'ordre de ne plus voter. Les bons et fidèles serviteurs du roi votèrent au nombre de 95; plusieurs n'osèrent s'y rendre. Les signatures font foi. Parmi elles on distingue celles de trois députés de 1815, et les personnes les plus recommandables. On n'y voit point, comme dans les autres scrutins, les noms odieux à la légitimité. Le préfet et le sous préfet veillaient ceux qui entraient pour voter. Plusieurs électeurs, mandés et menacés, n'osèrent remplir leurs fonctions. Le scrutin reste ouvert deux jours, et il est brûlé, comme ne contenant pas la moitié plus un des suffrages de tous les membres du collège. Le département n'a que trois députés au lieu de quatre. Il est à observer que pendant toute la tenue des séances du collège, le secrétaire intime du préfet a resté constamment dans la salle, malgré les réclamations de plusieurs électeurs. Voilà le récit exact des opérations des collèges du Lot. Les signataires, fidèles à l'honneur et au roi, certifient les faits exposés, et ils offrent les preuves. Dans ces temps de délire et de passion, on a vu l'amalgame honteux des administrateurs du roi avec ses ennemis les plus prononcés. Cette association funeste d'un préfet et de sous-préfets avec les agents de la tyrannie de 93, avec les signataires de la protestation du camp de La Villette, avec des hommes mis en surveillance et destitués, a ouvert, mais trop tard, les yeux aux électeurs, séduits par le nom du roi, pris à témoin par ses ennemis. Les électeurs, pénétrés de respect et de confiance dans la chambre des députés, sollicitent la cassation des élections du Lot, et motivent leur demande sur les faits exposés, sur l'influence toujours dangereuse qu'exerce un préfet dans son département, qui seule démontrerait le vice d'une nomination pareille, en écartant toute liberté de suffrage. (Suivent les signatures, au nombre de 48.) [Ce Mémoire a été imprimé dans Le Moniteur du 10 novembre 1815. (N.d.A.)]. Instructions sur les élections N o 9. (Les deux pièces qu'on va lire ci-dessous, et qui sont citées dans le numéro précédent, se trouvent aussi dans Le Moniteur du 10 novembre. Les originaux de ces deux pièces, imprimées à Cahors, sortent des presses de Ramel, imprimeur de la préfecture.) Sous le rapport des élections, ce que le roi veut, ses mandataires doivent le vouloir. Il n'y a pas deux sortes d'intérêts dans l'Etat, et pour faire disparaître jusqu'à l'ombre des partis, qui ne sauraient subsister sans menacer son existence, il ne faut que des députés dont les intentions soient de marcher d'accord avec le roi, avec la Charte, avec la nation, dont les destinées reposent en quelque sorte entre leurs mains. Les députés qui se sont constamment écartés de ces principes tutélaires ne sauraient donc être désignés ni obtenir une faveur qui tournerait au préjudice de la chose publique. Point de grâce pour la malveillance qui se déclarerait par des actes ostensibles, qui afficherait de coupables espérances, qui croirait trouver dans un grand acte de politique et de justice une occasion favorable de trouble et de désordre. Il faut s'opposer à la publication de ces correspondances empressées, et toujours marquées au coin de l'exagération, que les membres des sociétés secrètes sont en possession de faire parvenir sous le manteau du royalisme. Dans l'ordonnance du roi les électeurs ne verront que sa volonté, les besoins du roi et la Charte. Le roi attend des électeurs qu'ils dirigent tous leurs efforts pour éloigner des élections les ennemis du trône et de la légitimité, qui voudraient renverser l'un et écarter l'autre, et les amis insensés qui l'ébranleraient, en voulant le servir autrement que le roi veut l'être; qui, dans leur aveuglement, veulent dicter des lois à sa sagesse et prétendent gouverner pour lui. Le roi ne veut aucune exagération; il attend des choix des collèges électoraux des députés qui apportent à la nouvelle chambre les principes de la modération qui sont la règle de son gouvernement et de sa politique; qui n'appartiennent à aucune société secrète, qui n'écoutent d'autres intérêts que ceux de l'Etat et du trône, qui n'apportent aucune arrière-pensée, et respectent avec franchise la Charte, comme ils aiment le roi avec amour. Paris, le 19 septembre 1816. Le ministre secrétaire d'Etat au département de la police, Signé: Decazes. Pour ampliation, le préfet du Lot, Signé: Lezay-Marnésia. M. le préfet du Lot à MM. les fonctionnaires administratifs du ressort et à ses administrés. Le roi, qui sait être fort comme il est bon et juste, a, par son ordonnance du 5 septembre, dissous la chambre des députés et raffermi la Charte sur des bases désormais inébranlables. L'énergie de cette mesure a eu pour effet de terrasser toutes les folles prétentions, de garantir tous les droits, de contenir chacun dans sa place; elle a doublé les forces du roi, elle lui a rallié tous les esprits qui hésitaient encore, elle lui a donné la preuve que pour que la nation entière fût à lui il suffisait de la convaincre qu'il était tout à elle. Cependant, tandis que la France reconnaissante rend hommage à cet acte de haute sagesse de Sa Majesté, je suis informé que quelques hommes, aigris soit par un faux zèle, soit par le renversement de je ne sais quelles espérances, se permettent d'indécentes observations, cherchent à discréditer l'autorité, calomnient les intentions du roi et de son gouvernement, et portent l'audace de leurs propos jusqu'à l'irrévérence pour la personne sacrée de Sa Majesté. Mon devoir est de faire respecter l'autorité royale et les lois de l'Etat; je le ferai contre tous les genres de malveillance, sous quelque nom, sous quelques couleurs qu'ils se déguisent. Ces nouveaux ennemis de la France, rares sans doute, qui au nom du roi conspirent contre sa cause, et cherchent à le séparer de son peuple, pour l'intérêt de leur vanité et de leurs prétentions, ne sont pas moins séditieux que les autres ennemis qui, pour la satisfaction d'une ambition coupable, prétendraient éterniser l'esclavage de la France. Tous sont également dignes d'être réprimés. J'appelle sur tous les genres de malveillance et sur leurs menées la vigilance du magistrat, des vrais amis du roi et de la monarchie paternelle. Après tant d'exagérations diverses, la modération triomphe enfin; prouvons qu'au lieu de mériter le reproche de faiblesse, c'est en elle que consiste la véritable force. Cahors, le 16 septembre 1816. Le préfet du département du Lot, Signé: Lezay Marnésia. Lettre d'un électeur du département de... à M***, député de la dernière chambre N o 10. (Pièce également mentionnée dans le Mémoire N o 8.) Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire pour me demander ma voix aux prochaines élections m'a été remise par M. le curé de qui a pris soin de la commenter avec tout le zèle et toute l'onction que vous lui connaissez. Son neveu, que vous avez fait nommer juge, l'accompagnait, et m'a dit, sans beaucoup de détours, qu'incertain sur la manière dont il doit prononcer dans une affaire qu'un chicaneur très connu m'a suscitée, il est disposé à vous consulter et à s'en rapporter à vos lumières. J'aime à croire que l'oncle et le neveu sont allés fort au delà de vos intentions, l'un par ses longs discours, l'autre par ses insinuations singulières. Je trouve tout simple qu'ayant été député, vous désiriez être réélu; je m'étonne peu que vous me demandiez ma voix; mais il me paraît étrange qu'on essaye de me circonvenir, et qu'on veuille m'inquiéter sur des intérêts auxquels je ne puis songer quand il s'agit de 1'intérêt public. La franchise et la loyauté me guideront toujours; c'est pourquoi je ne fais nulle difficulté de vous répondre que vous n'aurez pas ma voix, et de vous exposer les raisons sur lesquelles se fonde mon refus. Je veux la tranquillité, monsieur; il me semble que le repos doit avoir autant de charme pour un Français que la santé pour un homme longtemps malade, à peine convalescent. Dites-moi si la majorité de la chambre des députés a fait beaucoup pour la tranquillité publique. Le roi a donné l'exemple de toutes les vertus conciliantes; la chambre des pairs a reçu de ses membres l'éclat qui semblait n'appartenir qu'aux vieilles institutions; les Français, ou du moins la presque totalité d'entre eux, ne demandaient qu'à respirer de tant d'orages; mais vous et vos amis vous avez voulu voir d'une autre manière. Vous avez paru méconnaître cet axiome incontestable, que la violence produit les révolutions et que la modération les termine; vous semblez vous être plu a rappeler tous les souvenirs funestes et à remettre en question ce qui était décidé; vos discours imprudents ont attisé les haines et répandu les alarmes. De bonne foi, monsieur, devez-vous être surpris si pour amener le repos je préfère d'autres hommes à ceux qui l'ont repoussé malgré le voeu du roi, de la chambre des pairs et de la presque totalité des Français? Une partie de la chambre des députés n'a montré ni calme ni modération. Que serait-ce si l'on recomposait sa majorité des mêmes éléments; si vous et vos amis vous reparaissiez à la tribune, aigris par les souffrances de l'amour- propre, ardents à vous venger de la joie générale qu'excite l'ordonnance du 5 septembre, tout fiers d'un triomphe remporté sur la volonté du roi, en regardant la France comme un patrimoine qu'on ne peut arracher de vos mains? Vous auriez eu ma voix l'année dernière, que je me garderais de vous la donner cette année. Il faut des députés sages dans leurs opinions, calmes dans leurs discours, dignes de s'associer à cette bonté touchante qui siège sur le trône. Depuis trop longtemps les exagérés de diverses couleurs envahissent nos chambres de députés; voyons enfin quelle pourrait être l'influence d'une assemblée modérée. Après tant d'expériences, je n'aperçois pas le danger d'essayer encore celle-ci. Sujet fidèle, dévoué au meilleur des rois, puis-je vous donner mon suffrage quand vous avez refusé de suivre ses principes et tenté d'affaiblir son autorité? Oubliant dans quelle sphère élevée est placé le monarque, il n'a pas tenu à vous que des sentiments de haine et de vengeance ne parvinssent jusqu'à lui! Si, pour juger ses principes, il ne suffisait pas de votre coeur, vous pouviez consulter l'histoire de Louis XVIII, qui dans une situation semblable à celle d'Henri IV suit l'exemple de son aïeul. L'un et l'autre ont avec douleur frappé quelques coupables et déployé leur clémence pour ramener des sujets égarés. Louis, en ces jours déplorables, pardonne à des rebelles, comme Henri fit grâce. Vous n'avez pas moins méconnu l'autorité que les principes du monarque. Je ne puis en quelques lignes tracer l'histoire de votre session; mais pensiez-vous affermir l'autorité royale quand vous dénaturiez les projets de loi, quand vous les étouffiez sous les amendements, et que vous cherchiez avec tant d'ardeur à substituer des volontés irréfléchies aux propositions émanées du trône? Vous sembliez avides de réunir en vos mains tous les pouvoirs, et vous paraissiez près de renouveler cette assemblée constituante qui s'arrogea le droit de gouverner. Quoi! vous n'avez pas senti combien il importe que le roi jouisse pleinement du pouvoir qu'il s'est réservé, en faisant à son peuple des concessions si nombreuses! Tant de légèreté suffirait pour m'interdire de vous donner mon suffrage. Aux dernières élections, vous parliez de la Charte comme d'une superfétation politique, et vous annonciez assez hautement le projet de nous reporter à 1788. Vous osiez alors mettre en doute la force des lois constitutionnelles, l'irrévocabilité d'une promesse sacrée: l'ordonnance du 5 septembre doit commencer à vous détromper. Sans discuter avec vous les avantages de la Charte, elle existe; on ne peut l'ébranler sans alarmer la France, et sa destruction serait une révolution nouvelle ajoutée à tant d'autres. Il suffit donc de vouloir la tranquillité pour vouloir le maintien du gouvernement tel qu'il est. Ne nous livrons point à des discussions métaphysiques; portons nos regards autour de nous. Le commerce et l'industrie languissent; la sécurité seule pourra les ranimer, et la sécurité des peuples est le fruit de la stabilité des lois. Que des députés jaloux de conserver, non d'innover, viennent s'unir de coeur aux volontés du roi, et bientôt notre sol paisible s'enrichira des prodiges de l'activité française. Mais si l'on s'aperçoit que les députés regrettent des privilèges dont l'éclat a flatté leur enfance; si l'on voit qu'ils aimeraient à recouvrer des propriétés qui ont fui de leurs mains et circulé dans une multitude de familles; si 1'on croit qu'ils traitent le gouvernement constitutionnel comme un gouvernement provisoire, les inquiétudes subsisteront dans les esprits, toute entreprise manufacturière ou commerciale sera différée, et les capitaux resserrés laisseront s'anéantir l'industrie. Voilà des vérités simples et palpables. Indépendamment des observations précédentes sur les députés, peut-on confier le soin de maintenir la Charte aux hommes qui l'ont si souvent attaquée pendant votre session? Montriez-vous du respect pour la Charte quand vous vous éleviez avec tant de chaleur contre l'article qui prescrit le renouvellement par cinquièmes? Le département que nous habitons, monsieur, a d'autant plus besoin de sages députés, qu'il y règne moins d'union et de calme que dans beaucoup d'autres. J'en connais plusieurs où nulle division n'existe: le roi et la Charte y rallient tous les coeurs. Mais parmi nous je vois encore s'agiter deux partis: une poignée d'hommes regrettent les privilèges, fatiguent de leurs prétentions tout ce qui les environne; et s'ils avaient autant de pouvoir que d'orgueil, leur domination serait bientôt cruelle. D'autres hommes, presque tous de la lie du peuple, craignent les Bourbons comme l'oiseau de nuit craint la lumière. Prompts à inventer ou à croire des fables absurdes, ils prédisent sans cesse des révolutions prochaines. Entre ces deus partis sont des hommes nombreux, paisibles, pleins d'honneur et dévoués au gouvernement; c'est dans leurs rangs que nos députés seront choisis, si mes veux se réalisent: je dirai plus, c'est parmi eus qu'il faut prendre les différents fonctionnaires pour sauver les deux partis de leurs propres fureurs. Un gouvernement ne peut être bien servi que par des hommes qui lui soient dévoués. Notre gouvernement est constitutionnel. Si Louis XVIII eût rétabli l'ancien régime, vous seriez très propre à seconder ses vues: mais Sa Majesté ayant jugé qu'après tant de bouleversements la France ne trouvera le repos que sous une monarchie tempérée, je vote pour des hommes dévoués au roi et à la Charte. Voilà, monsieur, quelques-unes des raisons qui ne me permettent pas de vous donner ma voix. Je n'en ai pas moins l'honneur d'être, *** (Extrait du Journal général du 25 septembre.) Désaveu de la pièce intitulée: Instructions sur les élections N o 11. (Extrait du Moniteur du 11 novembre.) Paris, le 10 novembre 1816. Il a été donné lecture hier à la chambre des députés d'une pièce intitulée Instructions sur les élections, et dont l'impression parait avoir été ordonnée par M. le préfet du Lot. La copie que nous avons donnée de ces instructions dans notre numéro d'hier n'en est qu'un extrait, inexact sous beaucoup de rapports. Plusieurs phrases ont été supprimées, d'autres ont subi des altérations qui sont de nature à en changer le sens. Par exemple, le premier paragraphe de l'extrait qui a paru dans Le Moniteur se termine ainsi: " Les députés qui se sont constamment écartés de ces principes tutélaires ne sauraient donc être désignés ni obtenir une faveur qui; tournerait au préjudice de la chose publique. " Dans l'original de ces instructions, que nous avons sous les yeux, il y a: Ne sauraient être désignés par l'autorité locale ni se prévaloir de son influence pour obtenir une faveur qui tournerait au profit de la chose publique [N'est-ce pas une chose singulière que Mgr le ministre des finances et M. le préfet de Toulouse aient commis la même faute et défiguré de la même manière le texte de la circulaire de M. le comte Decazes? Voyez le N o 1 et le N o 3 (à l'extrait des Instructions) qui parlent aussi des désignations à faire par les autorités locales. (N.d.A.)]. On sent toute la différence de ces deux versions sans qu'il soit besoin de la faire ressortir. Les autorités locales devaient protection à tous; mais il n'était ni juste ni convenable qu'elles employassent l'influence qu'elles pouvaient avoir en faveur des hommes qui s'étaient montrés constamment opposés au système politique suivi par le gouvernement. Au surplus, ces instructions adressées confidentiellement aux préfets n'étaient point destinées à l'impression; elles avaient pour objet de régler la conduite des dépositaires de l'autorité publique dans les départements, de les éclairer sur les véritables intentions du gouvernement, et en même temps de leur prescrire les mesures propres à assurer la tranquillité et l'indépendance des collèges électoraux. Sous ce rapport, l'esprit qui a dicté ces instructions se trouve tout entier dans ces mots qui font partie d'un des paragraphes omis dans l'extrait qui a paru hier: Surveillance, activité, mais liberté entière. (Extrait du Journal général du 10 novembre.) Désaveu de la lettre d'un électeur du département de..., à M..., député de la ernière chambre N o 12. (Extrait du Journal général du 10 novembre.) Il est de notre devoir de dire que la lettre dont il est ici question était l'ouvrage d'un des rédacteurs de ce journal, qu'elle renfermait l'expression de son opinion très indépendante, et que Mgr le ministre de la police générale, pensant que cette opinion était énoncée en termes faits pour offenser les membres de la majorité de l'ancienne chambre, crut devoir arrêter l'envoi du numéro à la poste, bien qu'une note du rédacteur du journal adoucit et restreignît beaucoup le sens des expressions dont s'était servi l'auteur de la lettre. Il est surprenant que l'on ait argumenté contre la validité des élections du département du Lot, d'un numéro de journal qui n'a pu circuler que dans Paris [M. le rédacteur aurait raison si la pièce, qui n'a pu circuler que dans Paris, n'avait été réimprimée à Cahors, chez Ramel, imprimeur de la préfecture. Je possède l'original de cette réimpression. (N.d.A.)]. N o 13 (67). Pièce à l'appui d'un fait mentionné dans le Mémoire N o 8. Je, Jean-François de Saunhac de Belcastel, premier vicaire général, président du chapitre de Cahors, gouvernant et administrant le diocèse en l'absence de Mgr. l'évêque, déclare, sur la demande qui m'en est faite, et pour rendre hommage à la vérité, qu'ayant été invité par M. le comte Lezay-Marnesia, préfet du département du Lot, de passer chez lui le samedi 5 octobre courant, entre onze heures et midi, et que, m'y étant réellement rendu, ce magistrat commença par me reprocher d'avoir parlé favorablement des députés de ce département à la dernière chambre à ceux de MM les électeurs de 1816 que des affaires ecclésiastiques ou le plaisir de me voir, avaient conduits chez moi depuis que les élections étaient commencées; qu'il me porta ensuite plainte sur la présence de plusieurs ecclésiastiques de la campagne qu'il prétendait être venus en ville pour faire porter les voix sur MM. lesdits députés, me disant que le roi ne voulait point qu'ils fussent réélus et ajoutant avoir reçu dix instructions différentes, qui contenaient cette exclusion, particulièrement une, dont il me lut quelques lignes, que je ne trouvai point avoir le sens qu'il lui donnait, laquelle me présenta comme signée du roi lui-même, sans cependant me faire voir la signature de Sa Majesté. Je déclare ensuite que M. le Comte Lezay-Marnesia, se trouvant embarrassé pour détruire les observations que je lui fis contre la réalité de l'exclusion royale des anciens-députés, et voulant cependant la soutenir, me dit que Sa Majesté s'y était déterminée par le motif de leur trop grande exaltation dans la dernière cession et que notre conversation se terminait par ma réponse que je ne voyais dans l'ordonnance du 5 septembre dernier qu'un motif, celui de rétablir liés membres de la chambre des députés à l'âge et au nombre prescrits par la Charte; et qu'on ne pouvait, sans vouloir se jeter dans l'arbitraire, en supposer d'autre que celui exprimé par le roi lui- même à toute la France dans son ordonnance, qui ne laissait même pas présumer la plus légère défense de renommer ceux des anciens députés que les colléges électoraux jugeraient propres à consolider l'autorité royale et la légitimité. Je déclare enfin être parfaitement convaincu que la très-grande majorité de MM. les électeurs du département du Lot, laissés à leurs propres et véritables sentiments, comme dans l'entière liberté de leur choix, eussent, par attachement pour leur roi et son auguste dynastie, réélu leurs quatre députés à la dernière chambre, comme leur étant connus par leur sagesse, leur véritable dévouement au trône et leur fidélité aux Bourbons. A Cahors, le 26 octobre 1816. Signé: L'abbé de Saunhac, vicaire général. Vu pour légalisation de la signature de M. l'abbé de Saunhac, vicaire général, Cahors, le 26 octobre 1816. Le maire de la ville. Signé: Isaac Delvincourt, adjoint. N o 14 (60). Pièce à l'appui du Mémoire N o 8. Je, soussigné, certifie que le 2 du présent mois M. de Lezay-Marnesia alors préfet du département du Lot, me fit prévenir de me rendre chez lui vers midi; que, m'y étant rendu, il me reprocha d'avoir improuvé sa circulaire aux électeurs, d'avoir en cela manqué de respect à l'autorité, et de m'être donné même des mouvements pour influencer les élections; sur quoi je répondis que cela ne me regardait pas; mais que, du reste, si on laissait les choix libres, MM. les électeurs du collège du département étaient incapables de choisir des députés autres que ceux qui sont attachés au roi et à son auguste famille; et je lui ajoutai que les choix faits en 1815, justifiaient mon opinion; et je lui dis même que ce qu'il y avait d'alarmant pour les vrais amis du roi, c'était de voir cette réunion de jacobins qui avaient assiégé le collège d'arrondissement. Le préfet m'observa alors que cela ne me regardait pas, qu'il fallait laisser agir l'autorité, et que l'intention du gouvernement était de ne pas permettre que les anciens députés fussent réélus. En foi de quoi me suis signé, à Cahors, le 22 octobre 1816. Signé. Calmejane, avoué licencié. Vu pour légalisation de la signature ci-dessus. Cahors, 26 octobre 1816. Le maire de la ville. Signé: Isaac Delvincourt, adjoint. N o 15 (59 bis ). Nouveau Mémoire en confirmation du Mémoire N o 8. A monsieur le président de la chambre des députés et à messieurs les membres qui la composent. Messieurs, les instructions, les proclamations et les lettres circulaires contenues dans les imprimés joints à une pétition qui a dû être présentée à la chambre suffiront à vos yeux pour vous convaincre des desseins de M. le préfet Lezay-Marnesia, et de la part active qu'il a prise dans ces mêmes résultats. Une infinité de faits graves qui ont précédé et accompagné les élections viennent à l'appui de cette vérité, et leur preuve se fera aisément sur les lieux si vous la jugez nécessaire. Elle vous convaincra, messieurs, qu'on a gagné une partie des électeurs, en leur faisant accroire que le roi ne voulait pas d'anciens députés, qu'ils étaient ses ennemis; qu'ils avaient voulu rétablir la dîme et les rentes et dépouiller les acquéreurs des biens nationaux; Que les personnes honnêtes qui se permettaient de raisonner sur le véritable sens de l'ordonnance du 5 septembre étaient mandées à la préfecture, grondées sur leur prétendue indiscrétion, et menacées; Que d'autres personnes, revêtues d'un caractère respectable, avaient été chassées de la ville, sous le faux prétexte qu'elles s'y étaient rendues pour diriger les votes sur les anciens députés; Qu'au collège de l'arrondissement de Cahors un des anciens députés ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages lors de la sortie du premier candidat, un électeur du canton de Castelnau se rendit sur la place où un certain nombre d'électeurs se trouvaient réunis, et qu'il leur dit à haute voix que le préfet l'avait chargé de leur déclarer que s'ils persistaient à donner leurs suffrages à ce député, il dissoudrait l'assemblée, parce que le roi ne voulait pas des anciens députés, et que le préfet dut à cet orateur des halles une seconde candidature; Qu'il avait été fait un appel à tous les ennemis du gouvernement pour accréditer cette insigne fausseté et proclamer d'avance ceux qu'il fallait choisir, en abusant du nom du roi; Que les chefs de file de cette honorable clientèle étaient des sous-préfets, des magistrats, des conseillers de préfecture, des juges de paix et d'anciens fonctionnaires destitués ou occupant les premières places; Que pour avoir la force armée à leur disposition, ils en écartèrent les deux chefs supérieurs de la gendarmerie, l'un en le mettant aux arrêts, sous un prétexte déguisé, tandis que son véritable tort était d'avoir dit dans un cercle que le préfet n'était pas éligible dans ce département; et l'autre, en l'envoyant, sur la réquisition du préfet, à l'extrémité du département, soit pour y arrêter des prévenus de vol et d'assassinat remontant à des époques reculées, dont l'un était d'ailleurs constitué prisonnier depuis six mois, et dont les autres jouissaient de leur liberté sur le refus du procureur du roi de décerner de mandat contre eux, soit pour prévenir les troubles dont la ville de Figeac était, disait-on, menacée, tandis que cette ville jouissait de la plus parfaite tranquillité, quoique le préfet eût appelé et retint près de lui le sous-préfet, et que le procureur du roi et le maire fussent absents, ainsi que le tout doit résulter plus amplement du procès-verbal de cet officier supérieur envoyé au ministre de la guerre; Qu'au premier tour de scrutin deux anciens députés avaient obtenu la presque majorité des suffrages; que le secrétaire intime du préfet, quoiqu'il ne fût pas électeur, resta constamment dans l'assemblée et auprès du secrétaire de cette assemblée; que la séance ne fut renvoyée au lendemain que pour avoir le temps de faire arriver des électeurs qui, à cause de leur félonie, n'avaient osé d'abord se présenter ou pour gagner ceux qui leur avaient résisté; Qu'après les trois premiers députés pris dans le parti qui s'opposa constamment à l'élection des anciens, la majeure partie de l'assemblée s'étant hautement prononcée pour l'un des quatre anciens députés, le scrutin fut déclaré nul au moyen de deux billets en sus du nombre des votants qui furent trouvés dans la boîte; Que la séance ayant été renvoyée au lendemain pour continuer l'opération, on ne vit plus dans la salle que la partie saine de cette assemblée, à l'exception de trois électeurs qui refusèrent de voter, et de deux autres à double face qui, pour n'avoir pas l'air d'être de la coalition, votèrent, ainsi que le tout doit résulter de la liste des votants signataires, qui est restée au pouvoir du président, comparée avec celle de la totalité des électeurs; Que le scrutin est resté ouvert pendant deux jours sans qu'aucun électeur de ce parti se soit présenté pour compléter la majorité requise, quoiqu'ils se montrassent dans la cour de la préfecture, dans les promenades, à la comédie, et qu'ils n'aient quitté la ville qu'après que le délai pour voter a été expiré; Qu'enfin leur conduite à la comédie et l'inertie du préfet à cette occasion ont dû affliger tous les sujets fidèles au roi, puisque après s'être inutilement opposés au chant d'une cantate dont le refrain est Vive le roi! vive la France! ils accompagnèrent ce refrain de coups de sifflet. Mais tous ces faits, et beaucoup d'autres que nous passons sous silence, nous paraissent de surérogation pour faire ressortir les nullités intervenues dans les délibérations de cette assemblée et venger par ce moyen l'outrage fait à ce département en ramonant par séduction, par menaces et par violence, la majeure partie des électeurs aux écarts déplorables de 1793. Nous allons nous borner à articuler les nullités prises en majeure partie dans les actes de cette assemblée et sur autres pièces jointes à l'une des pétitions présentées à la chambre dans l'intérêt de ce département. Le premier moyen de nullité dérive de la séduction et de la violence que le préfet et ses agents ont exercées sur une classe d'électeurs qui leur étaient subordonnés, tant au moyen de la tournée dans le département, qu'au moyen des circulaires, des instructions, des proclamations qu'il a fait répandre à pleines mains, et dont une partie est remise sous les yeux de la chambre. Le second moyen de nullité est pris de ce que durant les élections le secrétaire intime du préfet a été constamment présent et s'est tenu à côté du secrétaire de l'assemblée, quoiqu'il ne fût pas électeur, malgré que plusieurs électeurs aient demandé au bureau de l'en faire sortir. Les soussignés, mettant tout intérêt personnel et tout sujet de ressentiment à l'écart, réclament pour le respect dû à la loi, pour le maintien de l'ordre et pour l'honneur du département, l'annulation de l'assemblée électorale du département du Lot. Cahors, ce 11 octobre 1816. (Suivent quarante-et-une signatures.) [Les quarante-et-une signatures de ce Mémoire, qui n'a pas été présenté à la chambre des députés, jointes aux quarante-huit du Mémoire sous le N o 8, forment quatre-vingt-neuf signatures. (N.d.A.)] Source: http://www.poesies.net